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                   UN TABLEAU DE MURIIXO.                    253

 têmedu Christ, la Santa habel de Hungria, n'en disent mot.
 Je n'ai eu ni le loisir, ni les moyens de pousser plus loin mes
 recherches. A qui appartient le tableau original, quelles en
 sont les dimensions, à quelle date se rapporte-l-il, à quel
 Age Murillo l'a-t-il composé, qu'est-ce que ce M. Estève qui
 me paraît un très habile graveur, quel est le jugement des
 connaisseurs, et sur le tableau, et sur la gravure, toutes ques-
 tions auxquelles il m'est impossible de répondre. Et franche-
 ment, monsieur, je ne m'en afflige pas outre mesure. Toute
 cette érudition technique me paraît très peu nécessaire pour
 apprécier une oeuvre d'art. Puisque vous me passez mes
 boutades, je vous avouerai que je me suis souvent surpris à
 penser que, si la science était précieuse, l'ignorance aussi
 a bien son prix. Et d'abord, un mérite incontestable, c'est
 qu'elle ne surcharge pas la mémoire de détails inutiles ; elle
 nous laisse tout simples cl tout naïfs pour sentir, pour goû-
 ter la beauté des' chefs-d'œuvre ; et quel plus inestimable
 avantage! En outre, elle conserve longtemps chez nous la
jeunesse du cœur et la fraîcheur des impressions. J'ai joui de
 ma gravure, comme d'une précieuse trouvaille ; je l'ai dé-
 couverte en effet, comme Lafontaine avait découvert
 Baruch. Vous, au contraire, peut-être dès les premiers
mots que je vous en ai dits, vous vous êtes écrié : quoi ! n'est-
ce que cela ? mais dix auteurs en ont parlé ! mais rien n'est
plus connu ! Soit, monsieur ; seulement veuillez me dire
quel est le plus heureux de nous deux, moi qui depuis huit
jours me repais avec délice d'un trésor jusqu'ici inconnu,
ou vous qui, blasé, ne le regarderiez peut-être pas s'il était
dans votre salon ? Mon bonheur n'est que l'effet d'une pro-
fonde ignorance, je le veux bien; et plût à Dieu que j'igno-
rasse de môme, pour avoir le plaisir de les découvrir, tant de
choses charmantes, dont la grâce ne laisse pas d'être un peu
 déflorée pour moi, par le tort qu'on a eu de vouloir me la