Revue du Lyonnais » série 1 - n°24 ( 1846 ) » pp.241

               DE L'HOMME ET DE L'HUMANITÉ.                   241

naissance lui fait prendre des précautions conservatrices à
l'égard de Noé, c'est-à-dire de l'Humanité viable, de peur
que la grande secousse diluvienne ne l'enveloppe dans la
destruction des parties accessoires et désormais inutiles.
Ainsi, pendant sa vie embryonnaire, l'enfant communique
directement et substantiellement avec sa mère qui lui donne
son sang, et de même l'Humanité reçoit aussi directement
son principe de vie du créateur, qui lui révèle sans intermé-
diaire la volonté à laquelle elle doit obéir, et le but qu'elle
doit atteindre. La parole de Dieu, c'est le sang de l'Humanité.
    Après la naissance, cette parole se fait encore entendre,
mais elle a besoin d'un intermédiaire ; ou plutôt l'orga-
 nisme humanitaire , mis en possession des ressorts dont les
 appareils digestif et respiratoire sont la représentation chez
l'homme, peut désormais élaborer cette parole, l'interpréter
 et la formuler avant de se l'approprier. Ainsi le lait de la
 nourrice qui succède au sang de la mère, avant d'être assi-
 milé, va subir dans le tube digestif une première élaboration,
 puis une seconde dans le poumon, et arrive enfln à l'état de
sang assimilable jusqu'aux trames organiques qui doivent s'en
 nourrir. Or, les nouvelles fonctions que la naissance a mises
 en jeu dans l'Humanité pour élaborer cet aliment, ce lait
 qui n'est autre chose que la parole de Dieu, ce sont les institu-
 tions religieuses et sociales par lesquelles le Verbe divin s'in-
 carne dans le genre humain. Mais ce Verbe divin exige d'abord,
 de la part de l'Humanité, les organes de préhension, de ré-
 ception, c'est-à-dire les lèvres et la bouche nécessaires à l'en-
 fant pour la succion du sein maternel. Or ces organes qui
 établissent la transition et le lien entre l'être qui donne cl
 l'être qui reçoit, ce sont précisément les révélateurs dans le
 sens où on l'entend le plus ordinairement. Les révélateurs
 sont les ambigus placés aux confins de la série humanitaire
 et de la série divine; pourvus, d'un élément qui les met di-
                                                            16