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                           CARICATURES                               53
 dans leur fortune, et, ce quiest plus triste peut-être, dans le souve-
 nir de leurs compatriotes.
    Revenons à Hogarth. Modifions un peu les costumes, et nous
 nous croirons en l'an de grâce 1881. Oyez plutôt : Voici un éche-
 vin de Londres ; ce pourrait être un échevin de Lyon en 1730, ou
 son arrière-petit-fils aujourd'hui. Sa fortune vient du négoce; et
 il veut marier sa fille à un grand seigneur, il veut se décrasser.
 La fille, aussi sotte que son père, ambitionne un titre. Belle avance
quand le titre est problématique, chance assez fréquente ; ou, quand
vrai, il est porté par un chenapan ruiné et vicieux. Mais la
suprême ambition de ces gens à courte vue est de se faire appeler
pendant un an madame la comtesse, de prodiguer des couronnes
et des armoiries sur ses voitures, sur ses enveloppes de lettre et même
sur ses linges de l'usage le plus privé; il faut qu'on le sache, c'est
moi qui suis Guillot. Tout cela aboutit au tribunal, fournit des
causes grasses aux avocats et des chroniques palpitantes d'in-
térêt aux journalistes ; le vaurien ruiné quia fumé ses terres»
comme on disait au siècle passé, mange la fortune de la bourgeoise
avec des catins, la bourgeoise finit par lui rendre la pareille, et
plus cette fortune a jeté d'éclat au début, plus vite elle s'évanouit.
Du mariage chrétien, du sacrement dont le catéchisme nous dictait
les conditions, on n'en parle plus que pour la forme, on en fait une
espèce d'étalage, parce qu'il est mal porté de s'en passer ;mais au
fond on ne s'en rend pas le moindre compte ; c'est une formule dont
on dénature le sens intime avec la musique, les toilettes et les fleurs.
On ne prie plus, on pose, on fait salon dans l'église. Nous n'avons
rien inventé, et à Londres cela se passait ainsi. ,
   Voici un comte, un vrai, qui remonte à Guillaume le Conqué-
rant. Il est goutteux, suite de sa vie irrégulière. Son fils,lefiancé,
un gommeucc de l'époque, prend élégamment une prise de tabac
sans trop s'inquiéter de sa future ; aujourd'hui il roulerait une
cigarette, c'est moins élégant de gestes ; elle ! elle ne pense à rien,
sinon qu'elle sera madame la comtesse ou mettra sur son livre de
prières et ses lettres banales un écusson dont elle ne comprendra
pas le sens. On aperçoit delà fenêtre les travaux d'un palais en
voie de construction..
   N° 2. Madame a ouvert ses salons et donne des fêtes;.c'est la