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344                   LA REVUE LYONNAISE
accusés, à cette coiffure qui accompagne une savante disposition de
la chevelure, à cette draperie si habilement jetée pour encadrer les
coupures nécessaires d'un buste et en dissimuler les invraisem-
blances. Mais, en réalité, la matière qui fournit un aliment à mon
émotion esthétique n'est pas telle ou telle partie de ce buste, puisque
mon émotion disparaît au fur et à mesure que je veux analyser le
chef-d'œuvre, tout comme elle disparaîtrait d'ailleurs si je Voulais
me rendre compte en détail de mon émotion complexe. Ainsi l'émo-
tion esthétique est toujours une émotion d'ensemble, bien qu'elle
ait pour condition la connaissance des éléments qui la composent.
La matière de la beauté est donc dans une totalité en vue de laquelle
s'organisent des parties. Elle est l'unité supérieure de la finalité à
laquelle parvient le multiple en s'ordonnant. Et comme à chacun
 des éléments du multiple correspond à peu près une de ces émotions
semi-conscientes qui viennent se fondre dans l'unité de l'émotion
totale, on peut dire, au point de vue subjectif de l'émotion comme
au point de vue objectif des symboles du beau, au point de vue de
 la forme de la beauté comme au point de vue de sa matière, que la
 beauté est l'unité dans la variété. Elle est même triplement
 l'unité dans la variété puisqu'elle l'est non seulement dans sa matière,
 non seulement dans sa forme, mais encore dans ce qui la constitue
essentiellement, la réunion de sa matière et de sa forme en une
 concrète et vivante unité.
    Au fond, toutes les définitions du beau se rapportent au concept
que nous venons de nous en faire. Dire que le beau c'est l'ordre,
c'est répéter ce que nous venons de dire. Ajouter que c'est la mani-
 festation de la force, c'est essayer de rendre compte de ce qu'il y
a de puissant, d'attractif et, si j'osais m'exprimer ainsi, de subju-
guantetde victorieux dans les chefs -d'oeuvres ; et c'est, en outre, s'ex-
poser inutilement à confondre le colossal avec le beau et aussi la
beauté avec la force. Il y a du beau dans le colossal, il y a de la
beauté dans la force ; il serait puéril de le nier. La puissance est
belle et elle est aimée ; son prestige peut aller jusqu'à nous la faire
aimer même injuste. Mais si toute force est belle par quelque côté,
si même toute beauté est une force, il n'y a p"as de la beauté que là
où il y a delà force, et la fragilité, la faiblesse ont aussi leur beauté.
Le Louvre est beau, mais un petit chalet suisse l'est aussi. Un eu-