Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                      ISABEAU DE CREMEAUX                        f29
  sa mort. Le saint avait annoncé sa venue et l'intention qu'il avait
  de dire la messeau pèlerinage de Feugerolles par une lettre adres-
 sée à Isabeau, lettre qui longtemps a été conservée dans les ar-
 chives du château, que beaucoup de monde a' lue, et qui en a disparu
 au commencement de ce siècle, comme l'attestait encore, il y à peu
 d'années, le vieux curé de Val-Benoite, l'abbé Rouchon, ancien
 ami delà famille.
    L'apôtre de nos montagnes, par ses conquêtes spirituelles, par
 son dévouement héroïque, fit plus pour cette partie desCévennes,
 que les répressions violentes n'accomplirent ailleurs ; car en sau-
 vant les âmes, il préserva des cruautés de la guerre civile la ré-
 gion qu'il avait évangélisée.
    Arrivant donc de Fay-le-Froid, de Marlhes, de Saint-Romaîn-
 les-Atheux, qu'il avait remplis de la renommée de son zèle, de
 ses missions, de sa brûlante charité, il descendit à Feugerolles,
 suivi d'une foule de montagnards qui ne voulaient pas quitter le -
 père Régis, le père du peuple, le saint Père, comme ils l'appe-
laient dans leur admiration naïve. Quel ne dut pas être le bon-
heur d'Isabeau en recevant ce serviteur de Dieu dont la renommée
était déjà si grande ! et qu'elle n'eût pas été sa joie, si elle avait
pu comprendre que cet humble religieux, qui franchissait le seuil
de son château, était une des grandes lumières de l'Eglise.
    Si le voile de l'avenir, se déchirant à ses yeux, elle eût pu con-
templer la gloire future de celui auquel d'innombrables autels
seraient bientôt dédiés, elle eût compris que le souvenir de son
passage à Feugerolles serait une nouvelle richesse ajoutée à celle
que possédait déjà son sanctuaire qui, depuis tant de siècles,
n'avait pas oublié un autre passage, celui de saint Martin, le
temps n'effaçant pas ces grands souvenirs. Du reste, le saint n'é-
tait pas loin du couronnement de sa longue carrière. Il mourut
en 1640, à la Louvesc, dans les montagnes de l'Ardèche, à la suite
d'une course apostolique dans la saison la plus rigoureuse, cinq
ans avant Isabeau.
   Mais ne nous éloignons pas d'Isabeau, si c'est l'avoir quittée
que de relater les événements dont une partie, telle que la mort
du saint, dut si fortement faire battre son cœur de chrétienne ;
car on ne peut douter qu'elle ne s'enquît avec le plus grand soin
     FÉVRIER 1882. — T. III.                               9