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DU BEAU ET DE L'ART , 339 il n'en est pas moins évident qu'il y a dans tous ces objets, sous leur diversité apparente, un principe commun qui explique l'émo tion qu'ils engendrent dans les esprits convenablement disposés. Nous né nous dissimulons pas les objections qu'on peut opposer à . celui qui prétend retrouver dans tous les objets beaux un prin- cipe commun de beauté. On dira que les émotions esthétiques dif- fèrent beaucoup les unes des autres, que ces différencesne sont pas seulement des différences de degré, mais même de nature, et que ce qui diffère de nature doit être produit par des principes différents. Cette objection n'irait à rien moins qu'à rendre" inutile et insoute- nable toute théorie reposant sur l'existence d'une beauté unique, d'une beauté répandue dans tous les objets beaux et qui leur com- muniquerait leur beauté. Il y aurait des choses belles et non plus une même beauté dans les choses. A une pareille objection on peut faire une double réponse, logique et psychologique. Si nous parlons de beauté, si nous avons un seul mot et un seul concept dans l'esprit pour représenter quelque chose de commun à tous les objets beaux, il y a déjà ; là une forte présomp -. tion en faveur de l'unité du principe de la beauté. N'avons-nous pas tous appris en logique qu'on ne peut entendre qu'une seule chose sous un seul et même concept? De plus, si nous analysons l'émotion esthétique, comme nous nous proposons de le faire plus loin, nous n'aurons pas de peine à reconnaître dans toutes nos émo- tions esthétiques un caractère commun, une forme commune qui les fait rentrer toutes, à titre d'espèces subordonnées, sous un même genre. Cette analyse, il est vrai, suscitera une nouvelle objection. On reconnaîtra bien l'unité formelle de nos émotions esthétiques, mais on s'empressera d'ajouter que cette unité formelle, c'est nous qui la mettons dans nos émotions. Si toutes nos émotions esthétiques ont quelque chose de commun, c'est qu'un même sujet les éprouve. Il n'y a pas de beauté unique dans les objets, il y a dans le sujet des émotions qui se ressemblent. . Si, en toutes choses et décidément, notre contradicteur, s'enfer- mant dans l'idéalisme subjectif, ne veut admettre aucune existence en: dehors de son moi solitaire, nous ferons obligé, pour le forcer dans son retranchement, de faire appel à des raisons d'un autre