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                   UN HUMORISTE LYONNAIS                          265
passionnément, la comble de prévenances et de présents, mais res-
pecte les prévenances de son cœur. La position, dira-t-on, est
assez peu vraisemblable ; ce qui n'empêche point qu'à l'oceasion
elle ne puisse être vraie.
   Parties de campagne, promenades en chemin de fer ou en bateau
à vapeur, dîners au restaurant, un coin de jardinet loué près du
boulevard du Nord, soirées sans façon où les amis d'Emile figuraient
avec lui : tels étaient les plaisirs de la jeune ouvrière, qui travail-
lait de moins en moins et qui se fiait à l'avenir. Son bonheur
s'écroule tout à coup. Celui qu'elle aime va à Paris, y trouve une
place, y reste : elle y court de son côté, fait de vains efforts pour
le ramener à Lyon, et, de retour, sans ressources, sans espoir,
bientôt, sous les yeux d'André toujours désolé au fond, toujours
calme en apparence, elle se rend aux hommages d'un humble
employé, Eugène, jaloux et violent, libertin et joueur, qui vient
demeurer avec elle. Ce faux ménage ne marche pas mieux que
beaucoup dé ceux qui sont authentiques, si bien que, lasse des
perpétuels reproches d'Eugène, tantôt elle dîne au dehors en
compagnie de l'irréprochable André, tantôt elle parcourt le parc
de la Tète-d'Or dans la voiture d'un riche élégant qu'elle a connu
par hasard. Eugène ne l'en adore pas moins et, à force de sacri-
fices, il monte pour elle un petit magasin rue Mercière ; mais, poussé
par la nécessité, il obtient un poste au Mexique, et la voilà qui,
après avoir revu un instant, à Paris, et cet Eugène qui s'apprête à
partir au loin, et Emile, maintenant bien froid en face d'elle, et
ses propres parents, trop pauvres pour rien changer à sa situation
irrégulière, retombe dans l'incertitude et l'ennui. La mort d'Emile,
qu'elle ne tarde pas à apprendre, l'afflige beaucoup : une fièvre
la saisit; ses créanciers la tourmentent; elle demande un prêt
d'argent à André, son assidu protecteur. Mais ayant perdu dans
une société industrielle presque tout ce qu'il possédait, celui-ci ne
lui répond pas, et elle, qui s'abuse sur ses dispositions, se jugeant
 abandonnée par lui, se livre à un opulent amateur du beau sexe,
 fort versé dans le monde galant et qui prend un plaisir réel au
 commerce de ce cette demi-vertu. Par une lettre d'une franchise
 cruelle, elle révèle à André la nouvelle liaison qu'elle a contractée,
 et elle le punit de sa discrétion chronique en lui affirmant insidieu-