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 18                  LA REVUE LYONNAISE
  place marquée, nécessaire, dans les solennités civiles et reli-
  gieuses, aux fêtes des dieux d'Athènes, aux jeux d'Olympie, dans
  tous les grands actes de la vie nationale. La poésie, chez les Ro-
  mains,; à partir du siècle d'Auguste, a cessé d'être œuvre publique,
  populaire et religieuse ; elle rentre, pour ainsi dire, dans la vie
 privée. Horace écrit pour son propre compte, selon sa fantaisie; il
  n'exprime que ses sentiments personnels ; sa muse n'a pas fonction
  dans l'Etat; il n'est pas l'écho des instincts, des croyances géné-
  rales, l'organe spontané de certains sentiments simples et primi-
  tifs. Plus de croyances générales autour de lui; il vit à une époque
 de culture raffinée, dans une société qui imite une civilisation pré-
 cédente. Il a beaucoup lu avant d'écrire; il emprunte aux Grecs
 les formes de sa poésie, il n'en tire la substance que de lui-même,
 et non pas d'une tradition, d'une religion, d'une philosophie natio-
 nales. Horace, en un mot, est un poète cultivé, réfléchi, et non un
 poète primitif; un poète personnel, absolument libre dans sa fan-
 taisie, et non un poète public, religieux, politique. Telles sont les
 vérités parfaitement banales, et vieilles comme la critique, qui se
 cachaient sous ce mot d'homme de lettres. On nous l'a reprocha
 cependant, comme une aberration de l'esprit de système et une
 preuve de l'exclusivisme d'un poète monocorde, qui ne comprend
 rien en dehors de ses propres idées.
     De ce jugement, taxé d'irrévérencieux pour l'ami de Mécène, va
 ressortir néanmoins son originalité véritable, la nouveauté de son
 œuvre, la part d'invention qui revient à ce disciple avoué, à cet
 imitateur passionné de la Grèce. Que la poésie d'Horace ne soit pas,
 à nos yeux, une nourriture morale bien substantielle et bien saine,
 nous le confessons ; qu'à cetépicurisme, si modéré qu'il soit, nous
 préférions les mâles sentences du Portique, et l'idéalisme de Pla-,
ton à ce matérialisme élégant, c'est un goût qui n'a rien de très
rare et de très personnel. Mais, pour avoir des préférences et des
principes, notre critique ne pratique pas l'exclusion. Scepticisme ou
fantaisie vagabonde ne sont pas toujours largeur d'esprit. L'ex-
clusivisme sait parfaitement s'allier avec l'absence de toute doc-
trine; il est dans le caractère avant d'être dans les opinions. La.
plus ferme foi peut se concilier avec la faculté de tout comprendre
et de tout juger librement. Les sympathies se montrent plus