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260                  LA R E V U E LYONNAISE



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   Divers voyages, à Paris, en Toscane, en Provence, quelques
articles d'art ou de philosophie insérés dans la Revue du Lyonnais
ou au Progrès, une polémique avec Y Ami de la religion et les
accidents continuels d'une santé chancelante, achevèrent de rem-
plir l'intervalle entre 1851 et 1862. A partir de cette année,
Nizier fit ouvertement profession de publiciste et, dans ce nouvel
emploi, il débuta en écrivant une courte brochure sur deux poètes
provençaux : Anselme Mathieu et Théodore Aubanel.
   11 est à peine besoin de rappeler quel engouement excita dans
la société raffinée des littérateurs le réveil de la poésie provençale,
languedocienne, périgourdine, méridionale enfin sous toutes ses
formes. On crut revenus les beaux jours des cours d'amour et des
gloires de la Durance. Bertrand de Born, Arnaud Daniel, Pierre
Vidal, Pierre Cardinal, tous les troubadours du treizième siècle
allaient renaître : la croisade contre les Albigeois était nulle et
non avenue; Raymond de Toulouse et Roger de Béziers étaient
vengés au fond de leurs tombes. Ce qu'il y a de certain, c'est que
Jasmin à Agen, Mistral, Roumanille, Tavan, Mathieu, Aubanel, à
Avignon, à Marseille ou ailleurs, furent chaudement applaudis,
et à Paris presque autant que chez eux. MM. de Falloux, Armand
de Pontmartin, Saint-René Taillandier, quelques autres critiques
firent chorus. Loin de moi l'idée audacieuse de discuter les fêlibres
et le felibrige et de contester aux poètes nés près de la fontaine
de Vaucluse ou des plaines de la Crau ce qu'ils ont réellement en
eux de veine énergique ou charmante ! Mais comment douter qu'il
n'y ait eu là, de la part de l'esprit provincial, de l'esprit local, une
sorte d'essai de revanche? A quoi bon nier que, sous ces appa-
rences littéraires, il ne se soit aussi glissé souvent des aspirations
 extra-poétiques vers un régime à jamais disparu ? Quoi qu'on dise
 ou qu'on fasse, le provençal, si riche, si gracieux, si harmonieux
 qu'on le suppose, n'est plus une langue nationale, comme le sont
 ses frères d'origine : l'italien, le portugais ou l'espagnol. Ce n'est
 qu'un patois, le plus aimable de tous, si vous voulez, mais un