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                        ISABEAU DE GREMEAUX                                       125
force dans des couvents. Au reste, je suis bien persuadée que la
fréquence de pareils procédés a été excessivement exagérée ; sans
cela les couvents eussent été des enfers.
   Il ne faut pas croire non plus qu'Isabeau, en faisant passer à sa
fille un an à Narbonne pour éprouver sa voeation, la condamnât
aux ennuis d'une petite ville et à des fêtes sans le moindre attrait.
    Le flot delà noblesse n'avait pas encore émigré à la Cour, dans le
milieu du dix-septième siècle ; il y en avait encore beaucoup dans
les provinces ; elle avait pris l'habitude de ne plus habiter autant
ses châteaux. Pendant l'hiver, chacun regagnait la ville la plus pro-
chaine et formait là des réunions qui devaient ne pas manquer
d'agrément; composées ainsi de personnes qui avaient passé leur
enfance et leur jeunesse les unes avec les autres, et même, atravers
les gracieuses malices de Mme de Sévigné et les non moins gra-
cieuses moqueries de Mme de Grignan, on voit que, bien longtemps
après l'époque dont il çst question ici, on se réunissait et s'amusait
 encore en Bretagne et en Provence '. Dans le midi surtout, où la-
 noblesse était restée plus fidèle à sa province, la jeune Françoise
 aurait donc trouvé fort à s'amuser, si elle en avait eu le goût ;
 principalement pour une jeune fille qui, comme elle, ne connaissait
 guère que les montagnes, les bois et les torrents de son pays. •
    Isabeau n'était pas arrivée au bout de ses soucis. La vocation de
 sa fille s'était décidée suivant les secrets désirs de son cœur ; mais
 elle eut à passer par une épreuve plus délicate encore.;
    Mlle de Capponi, revenant à Feugerolles, heureuse de sa sainte
 victoire, emportée par le zèle de la jeunesse, instrument dont Dieu
 se sert tout aussi souvent que de la prudence de l'âge mûr, y re-
 trouva sa tante plus jeune qu'elle de six ans, et lui peignit, sous
 les couleurs les plus vives, le bonheur de se donner à Dieu. Mlle de

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     « Mon fils seul toute la force secrète qui attire, tout naturellement, les Bretons
eu leur pays ; il eu est revenu charmé... Notre Bretagne est toute pleine de noblesse
qui n'aime pas à sortir de son pays, et de beaucoup d'autres hommes à proportion...
Toute la Bretagne était là; vous savez qu'il ne s'échappe guère de Bretons; elle est
toujours pleine; rien ne se répand, rien ne se perd, rien ne se déborde.,. Ils sont six
mois à tourner, sans ennui, sur une nouvelle de la Cour et à la regarder de tous le:i
cotés. »                                                                        '•
  On ne peut citer de même M me da Grignan ; mais il n'est pas difficile de se souvenir
des fréquentes allusions que fait M*' de Sévigné aux fêtes données à Lambesc, pendant
la tenue des états de Provence.                                         '