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232 LA REVUE LYONNAISE respect ni pitié pour lui, débute par lui faire comprendre que Mmc Caverlet n'est pas l'épouse divorcée de sir Edward, mais la femme séparée de corps de M. Merson.. Néanmoins, il se montre bon prince, il convient avec bonhomie qu'il a eu les premiers et les plus grands torts, il ne demande qu'à tout oublier et à emmener sa femme et ses deux enfants à Paris. Le jeune Henri Merson est complètement dupe, il admire la générosité de son père et maudit ce Caverlet qui, depuis quinze ans, lui vole son estime et son affection. Aussitôt qu'il est en sa présence, il Faccable de repro- ches, mais Caverlet reste calme, il se défend, il défend sa noble et malheureuse compagne avec autant de chaleur que de dignité. Écoutez-le, je vous prie, vous qui défendez l'indissolubilité du mariage dans l'intérêt des enfants : « — Dis-moi un seul de ses devoirs de père qu'il ait rempli! « dis-m'en un seul auquel j'aie failli ! Est-ce lui qui t'a élevé, qui « a été ton précepteur, ton guide et ton ami? Cette passion même « de l'honneur qui te torture aujourd'hui, mais qui est la première « dignité de l'homme, et dont tu ne voudrais pas guérir, quoique « tu en souffres, qui te l'a mise au cœur ? lui ou moi? » J'avoue ne pas connaître de réponse à cela. Heureusement M. Merson est «un peu vénal, mais pas méchant». La tante étant morte et sa femme héritant d'un million, il consent moyenant cinq cent mille francs à se faire naturaliser Suisse et à divorcer. Mm8 Caverlet portera donc enfin le nom de l'homme qui a rempli vis-à -vis d'elle les devoirs d'un bon mari, mais elle devra à la législation française quinze années de tortures,d'humiliations, la crainte sans cesse éveillée d'avoir à rougir devant ses enfants et la perte de la moitié de sa fortune. Madame Caverlet est une œuvre admirable; je m'étonne et je déplore qu'on ne la remette point au théâtre. L'auteur n'y plaide point dans un sens ou dans un autre par la bouche de ses person- nages. Il prend tout bonnement les faits les plus ordinaires, les rattache les uns aux autres d'une façon logique, serrée, et invite le spectateur de bonne foi à conclure lui-même. Cette leçon est la meilleure, mais il faut être M. Emile Augier pour la donner. M. Sardou a plus de métier, plus de dextérité de facture, mais moins de profondeur, de portée philosophique queM. Emile Augier.