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                             LE DIVORCE                             227
  leur expliquer que le législateur de 1803 entourait le divorce de
  mille précautions pour en prévenir l'abus, que ces précautions
  sont conservées sinon augmentées, dans le projet actuel, et qu'il
  serait plus long et plus difficile d'obtenir le divorce qu'aujourd'hui
 la séparation de corps, ce qui n'est ni court ni aisé ; tout ce que
 vous gagnerez, si vous insistez, sera la réputation d'homme mal
 élevé. Une fois je fus bien surpris : dans un salon d'une ortho-
 doxie irréprochable en religion comme en politique, je vis deux
 femmes qui avouaient suivre avec une sympathique curiosité le
 mouvement en faveur du divorce. J'eus bientôt l'explication de
 cette anomalie. Ces deux dames, d'une réputation intacte, avaient
 été abandonnées par leurs maris. L'intérêt particulier l'emportait
 une fois de plus sur les préjugés et les convenances mondaines, et
 l'éminent prédicateur auquel je faisais allusion plus haut eût été
 mal venu de leur dire en leur conseillant la résignation en vue
 d'un bien supérieur : Tu n'as qu'à prendre le deuil de la tête
 aux pieds et lu n'as qu'à mourir pour sauver les sociétés qui
veulent vivre. Or, les sociétés qui veulent vivre, ce sont les
sociétés qui savent s'immoler dans leur entier dévouement
jusqu'à la mort. Ceiies, l'héroïsme, l'abnégation sont belles et
 bonnes choses dont je n'ai nullementl'intention de médire ; on peutles
conseiller, mais non les imposer ; tout le monde n'a pas la vocation.
D'ailleurs la femme qui met au monde des enfants, qui les nourrit,
qui les élève, qui soigne un ménage, me paraît plus capable de
sauver les sociétés que celle qui prend le deuil et se prépare à
mourir.
    L'homme et la femme sont intéressés l'un et l'autre à pouvoir
rompre le lien qui les unit à un conjoint indigne ; mais, je le répète,
il importe encore plus à la femme qu'il soit possible de recouvrer
sa liberté. L'homme qui se sépare à l'amiable ou autrement de
sa compagne légitime n'est pas pour cela placé dans une fausse
position, même s'il appartient à ce qu'on est convenu d'appeler le
monde. Toutes les distractions lui sont permises ; il pourra, au
besoin avoir une liaison presque avouée. On ne lui demandera
que de sauver les apparences ou à peu près. Plus encore peut-
être qu'avec le ciel il y aura pouf lui des accommodements avec
le monde. Il n'en sera pas ainsi pour la femme. Riche, mariée