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                           M. LOUIS BLANC                             3U

   des représentants de l'individualisme : le seizième et le dix-hui-
   tième siècles en sont remplis. Il cite, au seizième, Luther et Calvin,
  Rabelais et Montaigne, qui proclament, chacun à sa manière, au
  nom de l'individualisme, le principe du libre examen et qui s'en
  font une arme très redoutable pour combattre la vieille organisa-
  tion du moyen âge. Il cite, au dix-huitième siècle, Voltaire ^t
  Montesquieu, Turgot et les économistes, si zélés partisans du
  laisser, faire et du laisser passer. Il y joint les encyclopédistes
  qui ont, dit-il, jonché le sol de pierres éparses, en croyant con-
  struire un monument, etHelvétius qui, en recommandant cet indi-
  vidualisme moral qu'on nomme l'égoïsme, semble avoir voulu
  porter à ses dernières limites la dissolution sociale.
      Ce sont là des vues qui ne sont vraies qu'à moitié, mais qui sont
 ingénieuses et bien exprimées. Celles qui ont trait à la fraternité
 sont encore plus sujettes à contestation. M. Louis Blanc est obligé,
 pour lui trouver des représentants, de se rejeter, au seizième siècle,
 sur les anabaptistes, qui la prêchaient, la torche d'une main, le
 glaive de l'autre, et sur le jeune ami de Montaigne, La Boëtie,
 dont le Contre-un appartient certainement plus à l'ordre critique
 qu'à l'ordre organique. Au dix-huitième siècle, il essaie de s'auto-
 riserdu grand nom de J.-J. Rousseau, en se fondant sur ce que cet
 écrivain opposa au culte de la raison, qui détruit les groupes, le
 culte du sentiment, qui les forme et les conserve : observation flne et
 d'un caractère tout saint-simonien. Il reste vrai néanmoins que
Rousseau fut un homme de raisonnement autant qu'un homme de
 sentiment et qu'il travailla à démolir l'ancien ordre de choses autant
qu'à en construire un nouveau. Les vrais ancêtres de M. Louis
Blanc—il finit par nous en faire lui-même l'aveu — sont Morelly
et Mably. Selon lui, ce sont, au dix-huitième siècle, les seuls
vrais apôtres de la fraternité, en attendant Robespierre et Saint-
Just qui la réaliseront, les pieds dans le sang. Mais que demandent
ces deux écrivains? Us demandent, l'un que l'on maintienne l'unité
indivisible du fonds commun et de la demeure commune; l'autre,
que chacun travaille suivant ses forces et recueille suivant ses
besoins. Or, ce sont là deux formules différentes, mais également
exactes, du communisme. En parlant de la fraternité, c'était donc
le communisme que M. Louis Blanc avait en vue. C'est, du reste,