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36 LA R E V U E LYONNAISE toilette est préparée pour un portrait, circonstance pour laquelle on fait toujours des frais inaccoutumés. Cette petite coiffure sim- plement frisée, sans le moindre ornement, ce peu de joyaux, cette robe de brocart" et velours, riche et lourde, mais simple de forme, et surtout ce corps à l'aise dans son corsage, contrairement aux modes de la Cour, des dames du temps, qui vous étouffent rien qu'à les regarder, tout cet ensemble dénote une bonne et simple mère de famille, sans prétention aucune, et dont l'aile maternelle devait être douce et tiède à ses nombreux enfants. Ce fut donc dans ce milieu patriarcal et guerrier tout à la fois que naquit, vers 1605, et grandit Isabeau, à l'entrée des mon- tagnes de l'Auvergne, dans le château de ses aïeux, Il y avait là de quoi former une âme énergique et noble, pour peu que la nature s'y prêtât, et la suite de son histoire nous montre, en tous points, un esprit et un cœur dignes d'une semblable édu- cation. Elle y joignait les grâces et les qualités de la femme, résumées en ces mots recueillis dans un manuscrit du temps : « Les charmantes qualités de son esprit et de sa personne éga- laient sa naissance. » Son portrait est en rapport avec,ces paroles. Je ne crois pas que l'on pût dire qu'elle fut belle, mais elle devait avoir beaucoup de charmes. Peut-être même était-elle jolie, mais elle n'a pas l'air de s'en douter. Sa coiffure est de la dernière simplicité, dans ce temps de toupets compliqués; ses grandes et belles boucles blondes sans le moindre ornement sont bien appro- priées à une petite montagnarde peu au fait des artifices de la mode, et sa robe d'un gris rosé, avec cette simple bande de gui- pure, autour d'un corsage d'une échancrure des plus modérées, dénotent une personne peu vaine d'elle-même et digne de la sim- plicité maternelle. Nous savons peu de choses de son enfance ; elle avait perdu sa mère de bonne heure et avait cinq frères et sœurs. L'une d'elles fut religieuse de la Visitation au monastère de Bellecour, à Lyon, et, âgée de vingt-deux ans, succéda, comme supérieure, à la vé- nérable mère de Blonay compagne de sainte Chantai. Nous arri- vons donc tout de suite forcément au moment où sa famille lui donna un époux. C'était en 1623. Son choix se porta sur un sei- gneur nouveau venu dans la contrée, non par lui-même mais par