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SUR LA P O L I T E S S E 409 tesse, par l'affaiblissement de la vie de salon. Point de ces cau- series fines, distinguées, élégantes, pleines de calme et de simpli- cité, où la femme apportait sa grâce, sa délicatesse et cet esprit de rapide intuition qui empêche une femme intelligente d'être jamais déclassée, où l'homme fournissait la science acquise dans ses études plus sérieuses, la vigueur de son esprit, plus de raison que d'imagination de l'expérience plutôt que de rêves, du calme plutôt que de la chaleur. Isolés, les âges et les sexes ont des préoccupations exclusives, étroites, ennuyeuses. Les femmes, dit-on, quand elles ne causent pas chiffons, ont un penchant marqué à augmenter de quelque scène inédite l'École de la médisance deSheridan. Les jeunes gens causent filles ou chevaux, et leurs conversations devraient être tenues dans un corps de garde ou sur un champ de courses. Les hommes parlent blés, vins, élevage, bourse, politique. Les vieillards racontent à satiété leur guerres, leurs travaux, voire même leurs bonnes fortunes : ils demandent au passé l'oubli ou la patience du présent. Réunis, les âges et les sexes se complètent, s'harmonisent, se modèrent, au profit de tous, grâce à un petit sacrifice fait sur les habitudes, les goûts ou les désirs personnels de chacun. La con- versation est aimable, simple, instructive sans prétentions. Il n'y a ni bas bleus, ni pédants : il y a des dames et des hommes qui sont heureux de causer, qui échangent des idées, qui se criti- quent doucement, ou se louent avec discrétion, qui s'aident réci- proquement pour dégager, cultiver, perfectionner leurs talents, réprimer, diminuer, détruire leurs défauts. C'est une société d'amélioration mutuelle. Tout cela n'est possible que par la politesse. Seule, elle limite l'égoïsme, fait patienter l'amour-propre, corrige sans blesser, établit la hiérarchie naturelle entre les individus et fait respecter toutes les supériorités en inspirant l'amour de la justice. C'est la politesse qui permet sans bruit, d'un mot, d'un signe, de mettre chacun à sa place, de rendre à tout homme ce qui lui est dû. Tous ces résultats ne sont pas obtenus sans peine. Il est difficile d'être poli avec tous et partout, parce qu'il faut toujours se con- traindre. Il est encore plus difficile de tenir un salon, de forcer tous