Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
42                          LA REVUE LYONNAISE
h conduire n'était pas chose facile, alors que l'argent était rare et
que presque .tous les revenus étaient en nature. Nous voyons,
entre autres exemples de ce que j'avance, la baronne de Chantai
distribuant, dès l'aurore, le blé de son grenier. Il devait en être de
même pour Isabeau; puis il ne faut pas oublier qu'elle eut douze
enfants qu'elle éleva d'une manière remarquable. On voit donc
que la pieuse baronne de Feugerolles était fort occupée, et cepen-
dant cela ne lui suffit pas : elle se dévoua encore aux autres
membres de sa famille.
    Son père avait épousé, en deuxièmes noces, M"0 de Cataneo;
il ne semble pas que M. de Cremeaux ait été très judicieux dans
*oii choix; ne serait-ce que par la différence d'âge qui existait
entre lui et sa nouvelle femme. Au reste, le maréchal de Villars
ne nous a-t-il pas prouvé, bien des années après, que les héros
commettent quelquefois des témérités pareilles sans avoir à s'en
plaindre ? Sa femme, M11" de Varengeville, avait trente ans de moins
que lui ; il n'en fut pas moins heureux avec elle, malgré sa ja-
lousie, quoi que les méchantes insinuations de Saint-Simon puissent
faire supposer. Renaud avait contracté ses secondes noces dans
des circonstances un peu trop romanesques pour son âge; ce qui
montre que lésâmes les mieux trempées ont leurs jours d'illusion.
« Qu'il nous soit permis, dit la religieuse de la Visitation, une
petite'digression assez agréable sur les aventures de Mme de La-
grange, qui fait voir par quelle rencontre elle fut alliée à M. de
Lagrange, quelques personnes l'ayant souhaité.
   « Ce vaillant général, à qui le roi avait donné le gouvernement
de la ville de Novi, fut assiégé avec toutes ses troupes par les Gé-
nois, et même prisonnier de guerre; il fut veillé de près par cette
grande république; mais M. le gouverneur de la citadelle, nommé
seigneur de Cataneo, gentilhomme bressan *, étant informé, aussi
bien que mademoiselle sa fille unique, du grand mérite de cet
illustre vaincu, lui firent toutes les honnêtetés que méritait sa qua-
lité et en vinrent à un tel excès de faveurs, qu'ils risquèrent tous
les biens qu'ils avaient sur la seigneurie de Gênes pour le mettre
en liberté. M. de Lagrange, charmé d'un procédé si désintéressé,

  1
      Bressan signifie ici