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ISABEAU DE CREMEAUX 43 demanda mademoiselle sa fille qui était parfaite en beauté de corps et d'esprit, pour l'épouser lorsqu'il serait libre... « Les mesures qu'ils tinrent pour exécuter leur dessein firent que M. de Lagrange régala la noblesse de Gênes et qu'un de ses va- lets, feignant de rendre la vaisselle dans une grande corbeille où l'on avait apporté le régala dessein, emporterait dedans son maître jusqu'au port, ce qui réussit ; étant sorti dans cet état de la cita- delle, sans que les gardes s'en aperçussent, il fut cependant sur le point d'échouer au milieu d'une place, où son homme de chambre lui dit qu'il succombait sous le faix et qu'il n'était plus en son pouvoir de faire un pas ; mais M. de Lagrange, se servant de la force de ses paroles qui animaient tant de soldats au combat, lui dit : « Ah ! poltron, que fais -tu \ Il faut mourir sous la charge si tu ne veux voir finir aujourd'hui ta vie par la corde et ton maître par le glaive. » Cette voix redonna des forces à ce courage abattu, qui, prenant une nouvelle vigueur, passe jusqu'à la chaloupe que M. de Cataneo avait fait préparer et où lui-même s'était embarqué avec mademoiselle sa fille et un ecclésiastique, leur aumônier, qui, tous, reçurent M. de Lagrange, après lui avoir fait prendre un dér guisement, et furent heureusement conduits à Antibes,en France, où ils firent la solennité des noces, et, de là , se rendirent auprès du roi au camp de La Rochelle, où Sa Majesté reçut M. de Lagrange avec des témoignages de joie que méritait sa valeur. Elle voulut le garder auprès d'elle plusieurs années pour se servir de ses conseils dans les différents sièges qu'il fallait soutenir, et pour être gou- verneur de plusieurs fortes places, attendant l'occasion de lui mar- quer, comme nous avons vu, quoique trop tard, sa royale reconnai- sance en lui faisant apporter le bâton de maréchal de France sur son lit de mort. » Louis XIII n'oublia pas la famille de son fidèle serviteur après sa mort; il appela Mme de Lagrange Cremeaux, devenue veuve, à la Cour, et voulait qu'elle y fît sa résidence avec ses quatre enfants dont il était le. parrain, lui promettant sa pro- tection royale et voulant se charger de leur fortune ; mais Mrae de Lagrange refusa pour rester libre de ses actions, afin d'épouser un seigneur huguenot de Provence qu'elle avait connu à Gênes et, dit le Mémoire du temps, « avec lequel elle avait fait sa philoso- phie, » désirant fort le convertir, nous dit la religieuse, ce qu'elle