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34                      LA REVUE LYONNAISE


 ' LETTRE ÉCRITE PAR RENAUD DE CREMEAUX, PENDANT SA
              CAPTIVITÉ A GÊNES, A SA FILLE ISABEAU


        . A ma fille de Fougerolles,
   Ma fille, vous n'aurés autre response de moy que le contentement que j'ay
reseu de la nessemse de vostrë fils (que je prie Dieu vous voloyr conserver) et
qu'ayés plus de bone forteune aus vostres que je n'ay eu aus miens; c'est Dieu
qui l'ast eymsi voulu pour me faire cognoystre qu'il ne fault affectionné que luy,
et comme père comun de tous il peult donné et osté quand il luy playst. C'est
donq à nous de soffrir pasiaman et nous conformé à ses vollomtés et le loué
de tout comme mestre qu'y sest mieus se qu'yl nous fault que nous. Et puys
que Dieu vous fayt la grasse de resté au monde. A présent vos pouvés avec grand
honeur em parlé et vous estimé hëreuse d'estre seur de si braves frères qui sont
mors tous deus généreusement et glorieusement, et, ce quy me consolle un peu
dans les resamtimans très grands de ma perte [c'est] l'opinion que j'ay de leur
salut ; ne croyant pas que le dernier n'aye esté adsisté de Dieu em l'extremyté
où il s'est treuvé. Je ne vous diray pas que j'estime qu'yl l'astesté abamdoné de
tous et de ses proches ausy biem que des autres, que si Dieu m'ust donné la
samté dans ceste malheureuse occasion où il resteroyt pleym d'honeur au monde
où je luy tiendray compagnie ; c'est le plus grand de mes desplisirs de le sur-
vivre, et qu'il semble que toutes choses aye comtribué à son maleur et au mien.
Dieu leur fasse miséricorde à tous deux, et me doyn pasiemsé. Vous verés se
que vos écrits mon filz, vostre mary, pour ma liberté, et si je puis je ferey em
sorte qu'il ne viemdrast pas, aussi bien fi ansy il ne se peult aultrement il l'em
faudra passé par là. Je vous recomande vos seurs de Ghazes * jeusqes à se que
je soys en'estât d'i mestre ordre, vous aseuran que Monsieur de la Gardaytte
m'ast fort obligé de gardé mil pistoles que monsieur le Conestable dit luy avoir
donnés pour m'emyoyer, font des mortifications que Dyeu m'envoyé tous les
jours pour mes péchés que je suplie voloyr aresté som ire desus nous et me
donné plus de contanteman que je n'ay eu, en le supliant de vous avoyr en sa
seymte gajde, qu'y suys vostre afectiOnné père.           .                ' -
                                                            LAGRANGË.
        Le 27 may 1626, à Geynes. Adieu ma fille.


   11 faut le dire à la louange des puissants du jour, la rudesse
montagnarde de Cremeaux ne les rendit pas ingrats, quoiqu'elle
fît contraste avec leur raffinement ; et le roi ne laissa pas de le
comprendre dans une promotion de maréchaux de France. Mais

     L'abbaye de Ghazes, eu Auvergue.