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A PROPOS D'UNE TRADUCTION D'HORACE 19 tièdes ou plus ardentes, les préférences subsistent; mais quand la justice demeure aussi', la critique n'est pas altérée. Est-ce être injuste pour Horace que d'avouer un penchant plus tendre pour l'auteur des Gèorgiques et des Eglogues? Cette pré- férence très vive nous aveugle si peu que nous sommes tout prêt à proclamer l'originalité plus entière de l'auteur des Epîtres et des Satires. Tous deux ont imité les Grecs et ne s'en cachent pas. L'originalité de Virgile est dans ses sentiments; il n'a pas créé de forme nouvelle. Horace, malgré tous ses emprunts, est l'inventeur d'un genre littéraire. Il est mieux que cela il est le créateur d'un ordre nouveau de poésie. Il introduit la muse dans une région où elle n'avait pas encore pénétré. La poésie familière date d'Horace, la poésie intime, personnelle, la plus humaine et la plus vivace des poésie. D'innombrables rameaux se rattachent à ce tronc. A mesure que nos sociétés avancent, la poésie personnelle devient toute la poésie ; le genre familier écarte les anciens genres héroïques ; le théâtre appartient à la comédie, la prose au roman, le vers aux élégies, aux épitres, aux méditations, aux fantaisies d'un art entièrement libre de toute préoccupation pu- blique. Horace, le premier, donne pour matière à l'art des vers le monde des sentiments habituels et moyens. Ses Odes mêmes sont pleines de lui, de ses amitiés, de ses amours, des petites aventures de sa vie privée. La Grèce lui fournissait, sans doute, quelques exemples de poésie intime; mais combien rares, en dehors de l'élégie amoureuse, et combien plus sobres de menus, détails. ! Sans doute aussi, autour de lui, la muse latine se faisait la confidente et l'écho des plus légers caprices, des plus molles fantaisies, de tous les petits incidents de la vie. Quand on dit d'un écrivain qu'il est l'inventeur d'un sentiment ou d'un style, c'est qu'on l'admet pour le représentant le plus élevé d'une saison, d'un âge poétique. L'idée était dans l'air autour de lui. La forme elle-même, bien sou- vent, s'essayait à poindre sous des doigts moins habiles. Horace a empruuté aux Grecs sa prosodie, la plupart de ses rythmes, le moule de ses Odes, mais rien de plus. Il contraint presque toujours ce moule héroïque à recevoir un métal nouveau. La vie intime, l'histoire familière, ont succédé, comme matière de la poésie, aux événements publics. Malgré cela, ce n'est pas dans