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                        SUR LA POLITESSE                           411
 tout permis : ce sont les adversaires politiques ou religieux.
 Ceux-là, on les hait pour les malhonnêtetés qn'on leur suppose,
 on les méprise pour les vices qu'on leur attribue : à ceux-là l'in-
 sulte dans le journal, l'outragea la tribune,, jamais la politesse.
     Et pourtant, Dieu sait que la haine et le mépris sont bien sou-
 vent peu justifiés, Que de conversions il y aurait entre les hommes
 s'ils prenaient la peine de se connaître, au lieu de s'insulter à
 distance. Combien de fois on arriverait à découvrir que l'on est
 moins éloigné qu'on ne pensait et qu'il y a plutôt un malentenduj
 qu'une dissidence réelle. Pour rapprocher ces hommes, qui se-
 raient heureux de se connaître, que faut-il? La politese, rien que
la politesse. Notre temps serait moins troublé, nos dissensions poli-
liques et religieuses seraient moins envenimées, si nous étions
plus polis. Mais la contrainte sur soi-même au profit d'un .adver-
saire, c'est ce qui coûte le plus à l'homme, c'est le sacrifice qu'il
fait le plus difficilement. Et pourtant il y a un véritable patrio-
 tisme à être simplement poli à l'égard de tous ses concitoyens : on
 arrivé ainsi à détruire bien des préjugés, à effacer bien des haines,
 à rapprocher bien des distances. Le pauvre aime le riche, l'ou-
vrier aime le patron lorsqu'ils trouvent en eux des hommes polis.
C'est que l'homme, même l'homme du peuplé, est bien plus sensible
aux égards qu'aux services. Les égards chatouillent. Fataour-
propre. Les services permettent seulement de satisfaire aux be-
soins. Or, et cela est heureux et honorable, l'individu est encore
plus sensible àl'estime qu'à l'argent.
    Si les partis avaient des habitudes de politesse ils admettraient,
ainsi quecela-doit se produire entre individus, que les membres
d'un parti adverse sont présumés honnêtes, tant que le contrairen'a
pas été démontré. De là résulteraient une plus grande modération
dans le langage, une plus grande facilité dans les transactions sur
les points discutés ; peu à peu on se haïrait moins, on ne se haïrait
plus, on serait bien près de s'entendre et peut-être de s'aimer. Le
gouvernement du pays deviendrait plus facile : la guerre civile ne
serait plus une menace perpétuelle. On se combattrait loyalement
et on se résignerait facilement à la défaite plus ou moins durable,
en pensant que l'on a été vaincu, en somme, par d'honnêtes gens.
    Pour l'individu et pour la société, dans la famille comme dans