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410 LA REVUE LYONNAISE ses hôtes à la politesse, non par la politesse des maniérés, qui est assez facile, mais la politesse des pensées et des sentiments, la tolérance et le calme, la politesse de l'intelligence et du cœur. Le sceptre de maîtresse de maison, si utile dans la société, est peut- être de tous les plus difficile à bien porter On n'a pas seulement à se surveiller, il faut encore surveiller les autres, et, pour cela, il faut les connaître ou plutôt les deviner. Savoir provoquer la cau- serie et surtout savoir écouter, choisir les sujets de conversation, éviter les questions épineuses, avoir l'œil ouvert, l'oreille attentive, la langue rapide, aimable et spirituelle, tout cela avec aisance, sans effort apparent, sans que l'on se doute de cette vigilance tou- jours en éveil : que de difficultés dans la tâche de la maîtresse de .maison et combien il est plus facile pour les hommes de fumer, pour les femmes de grignoter des gâteaux et des bonbons, pour tous déjouer au baccarat, au lansquenet ou à la roulette. Une. chose déplorable c'est que, même pour les personnes bien élevées, la politesse est relative. On est poli seulement pour les étrangers de même position sociale, avec lesquels on est en com- munion d'idées politiques et religieuses. Dans le sein de sa famille, à l'égard de ceux que l'on aime le mieux, on a, sous prétexte d'ai- mable liberté, un sans-gène déplorable, à supposer que l'on évite les gros mots. Là où la politesse est le plus nécessaire pour facili- ter les relations quotidiennes, incessantes, on s'en passe, comme d'un lourd fardeau, comme d'un masque que l'on plaque sur son visage quand on va dans le monde. Et pourtant, si on était logi- que, il faudrait être poli surtout pour les personnes aimées : c'est pour elles que l'on devrait être aimable, prévenant, désireux de plaire et de procurer le bonheur. Mais non, le mari, la femme, les enfants sont bourrus, grondeurs, désagréables, exigents et par suite insupportables. C'est l'égoïsme qui reparaît, c'est la licence qui recommence, dès que la salutaire contrainte de la politesse vient à cesser. Que de ménages sont troublés et malheureux, qui auraient pu être très unis si, dès l'origine, on avait pris ou simplement gardé les habitudes de politesse que l'on a avec les simples étran- gers. Alors même que l'on est poli dans sa famille et avec les étran- gerSj il est une catégorie de personnes avec lesquelles on se croit