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406 LA REVUE LYONNAISE réflexion qu'elle impose, constitue pour l'individu une perfection acquise, une force nouvelle. Elle augmente la valeur et la puis- sance de l'homme et de la société, qui n'est pas autre chose que le total des individus. Elle est au plus haut degré l'indice de la civili- sation. Les siècles les plus brillants, ceux qui ont laissé la trace la plus lumineuse dans l'histoire,* ceux dont les hommes d'Etat, les guerriers, les écrivains et les poètes sont restés dans la mémoire des hommes, sont aussi les siècles les plus polis, ceux pendant lesquels l'homme a le mieux su contraindre ses mauvais instincts pour donner le champ plus libre à ses bonnes qualités. Il semble que l'individu ne soit capable que d'une certaine quan- tité d'activité, qu'il emploie comme il l'entend. S'il lâche la bride à ses mauvaises passions, il diminue son capital d'activité, dans la mesure de la violence de ces passions. Tout vice est non seule- ment la négation de la vertu contraire, qui est absente, mais encore une atteinte à une vertu réelle, présente, une diminution de son efficacité possible. Que d'homme bien doués, ayant de nombreux germes de perfections naturelles, de vertus fécondes, ont stérilisé leurs talents par un trop grand développement donné ou laissé à leurs passions! Ils ont mal employé leur capital d'activité. Souvent même, avant de l'avoir, dépensé tout entier, ils avaient pris une telle habitude d'une mauvaise direction, qu'ils ont été incapables de revenir dans la bonne voie. Si, plus fermes contre eux-mêmes, sachant mieux résister à l'effervescence de la jeunesse, — moment décisif, pendant lequel on se trouve, comme le Bacchus de l'allégorie légendaire, entre le bien et le mal, la vertu et le vice, •— ils avaient su lutter contre leurs mauvais instincts, ils ne seraient pas arrivés à mal em- ployer leur activité, et, à plus forte raison, à contracter une déplorable incapacité pour le travail et pour la vertu, dont ils ont parfois le désir aussi vif qu'impuissant. Savoir se contraindre, savoir lutter contre soi-même, sans trêve ni relâche, afin d'arriver à l'habitude de vaincre et par suite à une direction constante vers le bien, voilà l'idéal à poursuivre, voilà le but atteint par tout honnête homme. La politesse, outre qu'elle est une perfection en elle-même, est aussi le moyen le plus sûr d'ar- river aux autres perfections, "précisément parce qu'avant de de -