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            SUR LA POLITESSE


    On a dit que la rime est une contrainte heureuse, qui donne
plus de relief à la pensée, plus de force à l'expression, en assu-
rant l'harmonie de la parole.
    Entre les hommes, la politesse a les mêmes qualités et produit
les mêmes effets que la rime dans la poésie. La politesse est une
contrainte perpétuelle imposée à notre nature, qui, malgré Rous-
seau et les naïfs philosophes du dix-huitième siècle, n'a pas la
« bonté native ». La politesse, c'est le désir, la recherche, l'amour
du plaisir des autres.
    Si vous êtes sincère, ami lecteur, vous qui pourtant avez subi
l'influence d'un bon milieu social et acquis l'habitude, j'allais
dire l'instinct, de l'urbanité, vous avouerez que la politesse n'est
pas toujours facile. Le premier mouvement, en présence d'une
personne qui déplaît, c'est la répulsion et la fuite, en face d'une
contradiction, c'est la colère et peut-être le désir d'employer la
force pour imposer silence, à côté d'un adversaire, c'est l'intolé-
rance et la persécution. Nous avons immédiatement le goût de la
violence et l'amour du despotisme. Le calme, la douceur, la bonté,
l'indulgence, le respect de la liberté d'autrui sont le prix d'un
effort pénible contre nous-mêmes : au fond de chaque individu il y
a un barbare qui sommeille difdcilement, qui se réveille parfois et
sème la terreur autour de lui.
   La politesse, en exerçant une contrainte sur nos mauvais ins-
tincts, en assurant l'empire de la raison, grâce au calme et à la