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354                  LA R E V U E LYONNAISE
des systèmes, apporteront chacun à leur tour leur contingent dans
l'œuvre créatrice de l'humanité.
    Il nous sera facile maintenant dé comprendre ce que sont, dans
l'art, le talent et le génie. Le génie est la faculté créatrice de
l'idée; le talent dispose les symboles qui donneront un corps à
l'idée. Le talent s'acquiert comme on apprend, à rendre sa pensée.
Le génie ne s'acquiert pas. C'est du talent qu'on aurait dû dire
qu'il est une aptitude à la patience. Mais si l'acte créateur est
spontané, si l'idée jaillit d'un seul coup du fond.de notre être,
 comme un monde sort de l'intellect divin, il n'en est pas moins
vrai que le contact des chefs-d'œuvre peut surexciter notre faculté
créatrice. Un enfant avait apporté du génie en naissant; ce génie
dormait. Au contact d'une œuvre d'art il s'éveille. L'enfant s'écrie :
 « Et moi aussi je suis un créateur. » Il ne lui reste plus qu'à
 apprendre son art. Que de génies sont demeurés enveloppés en eux-
 mêmes, à qui il n'a manqué que le contact des chefs-d'œuvre,
 que l'étincelle vivifiante, ou bien encore parce qu'ils n'ont pas eu
 les moyens d'acquérir du talent !
     Mais qu'est-ce alors que ce génie qui ne s'acquiert point, qui est
 au fond de nous et qui peut y rester longtemps improductif et
 même inconscient? Ce génie, c'est la pensée dans toute sa pureté,
 dans toute sa force créatrice, la pensée qui est en chacun de nous
 sans être nous, la Pensée en qui nous vivons, nous nous mouvons
 et nous sommes, et qui est plus intime a notre être que nous-mêmes.
 Pareille à ces éruptions volcaniques dont la science ne peut déter-
  miner exactement les retours, elle jette à l'improviste à la lumière
  de la conscience les produits qu'elle élabore dans ce qu'on pourrait
  appeler le sous-sol incandescent qui supporte le moi. Et, si les
  créations du génie se traduisent en symboles", l'humanité s'y recon-
  naît parce que chaque pensée tient par un point à la Pensée. Les
  théologiens ont parlé des moments de la grâce, et, dans ce qui a
  trait à la moralité, il ne serait pas difficile de retrouver ces mo-
  ments. Il y a aussi dans la science et dans l'art les moments du
  génie.
      Ainsi s'explique ce qu'il y a de divin et de supra-conscient,dans
  l'art. Les langues humaines ont bien parlé des divinations du
  génie; mais, faites au point de vue du moi,; elles emploient les