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DU BEAU ET DE L'ART .355
mots de grâce et d'inspiration. Du point de vue plus large de la
pensée, elles devraient parler d'amour et d'expansion. La vraie
poussée se fait du dedans au dehors : « Spiritus intus alit. »
Ainsi s'explique également l'enfantement des chefs-d'œuvre,
naturel et normal chez ceux dont la pensée, remuée et comme
labourée par une éducation supérieure, n'offre au développement
du génie que la résistance nécessaire pour le diriger et pour l'em-
pêcher de s'égarer dans sa voie ; douloureux et violent chez ceux
qui n'ont point reçu cette culture sage et judicieuse. Chez ces
derniers, il y a des déchirements cruels et quelquefois des catas-
trophes fatales.
Enfin nous pouvons comprendre le pouvoir fécondant des chefs-
d'Å“uvre, l'action inspiratrice qu'ils exercent, l'enthousiasme qu'ils
suscitent. Nous saisissons mieux, ce semble, pourquoi les peuples
ont organisé d'instinct pour leurs enfants une éducation supérieure,
fondée, en dernière analyse, sur la culture esthétique et morale,
et pourquoi ils ont appelé cette éducation « libérale ». C'est que
si l'instruction nous fournit les éléments de notre éducation, celle-
ci se continue en nous affranchissant par la culture esthétique
qui nous conduit au seuil de la liberté et se complète par la
culture morale, cette forme supérieure de la précédente, qui nous
fait définitivement libres en nous rendant dignes de l'être à jamais.
F R É D É R I C MARTY,
Professeur au Lycée de Lons-le-S"aunior.