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DU BEAU ET DE L'ART 341 simple imitation. Aucune règle dans chaque art, aucune loi géné- rale, aucune science de l'esthétique ne serait possible. Etablir l'unité de la beauté dans la dualité de sa matière et de sa forme, c'était donc rendre l'esthétique possible en même temps que donner à l'art son véritable fondement. De ce qui précède il résulte que, lorsqu'on veut se rendre théo- riquement compte de ce que c'est que la beauté, il y a au moins deux ordres d'études à aborder. Il faut étudier la faculté esthétique, puis il faut s'attacher à la matière de la beauté pour s'en rendre compté autant qu'il est en notre pouvoir de le faire. Toutefois, comme la faculté esthétique sans son objet et la matière de la beauté sans l'être qui apprécie le beau sont des choses à peu près inintelligibles pour nous, et comme il ne faut pas se laisser égarer dans des ab- stractions sans valeur, il conviendra, dans l'une et l'autre étude, de ne jamais perdre de vue l'union de la matière et de la forme d'où résulte le fait véritablement digne d'être scientifiquement étu- dié, l'émotion esthétique dans sa réalité concrète. Il s'agira donc de partir du fait esthétique, d'en faire la psycho- logie et la métaphysique, sans isoler outre mesure ces deux élé- ments de la synthèse féconde sur laquelle doit reposer toute esthé- tique, sous peine de se perdre dans une scolastique stérile et sans portée. Sans doute, cette esthétique philosophique dont les divisions nous sont indiquées par l'analyse même de la beauté, n'est pas pour satisfaire complètement tous les artistes. Ils se méfient avec raison des théories a priori qui n'ont jamais enfanté des chefs- d'œuvre. Ils préfèrent une esthétique expérimentale qui va des chefs-d'œuvre aux lois, qui remplace l'analyse psychologique et la métaphysique par de belles descriptions, qui parle à l'imagination et aux sens plus qu'à l'intelligence et à la réflexion. Mais est-ce bien là de la science ? N'est-ce pas encore de l'art, de la beauté plutôt que de l'esthétique, de l'émotion plus ou moins délicate, plus ou moins contenue, plus ou moins consciente d'elle- même, plutôt que l'acte, qui exige plus d'énergie qu'onne le suppose, par lequel l'esprit cherche à se rendre compte de ce qu'il éprouve, à dégager les lois mêmes de ses émotions. L'esthétique est la science du beati. Elle doit être partiellement