page suivante »
262 LA REVUE LYONNAISE caractère et de cet incontestable talent. Eugène Pellerhi (c'était, ce jour-là , le déguisement de Puitspelu) osa relancer le monstre au fond de son antre, et celui-ci, piqué au vif, répondit ou du moins chargea son frère Eugène de répondre au téméraire; mais le coup avait porté. Oui, l'agresseur inconnu touchait juste en riant de cet être surhumain qui avait passé tour à tour par toutes les nuances du kaléidoscope gouvernemental, de cet oracle du passé qui pre nait les chemins de fer, les bateaux à vapeur et les télégraphes électriques pour des inventions de Satan, de cet imitateur de La Bruyère doublé d'un copiste de Lamennais, de ce journaliste ennemi de la presse qui mêlait si brutalement les odeurs de Paris aux parfums de Rome, de cet habile virtuose en fait de malédic- tions et d'invectives. Le beau et rare avantage d'asséner de for midables coups de poing à Victor Hugo, à George Sand, à Renan, à Edmond About, à Gavour, à tant d'autres vivants qui survivront ou même aux morts les plus illustres, tels que Rousseau ou Byron ! Que nous importe qu'il s'agisse d'un pauvre pécheur miraculeuse- ment converti, si c'est sur le dos de son prochain qu'il expie, à grand renfort de férule, les péchés mignons de sa jeunesse ? Un peu moins d'exaltation et un peu plus de charité ! Ah ! comme on comprend qu'un tel homme déteste Molière ! L'année suivante, troisième brochure, celle-ci encore assez mor- dante. On se souvient de la lutte que, vers ce temps, le même M. Veuillot engagea avec Emile Augier. Cet insulteur-juré, à son tour, s'était senti outragé dans la personne de maître Giboyer : aussi lauça-t-il contre le brillant écrivain un lourd pamphlel sous prétexte d'apologie. Valère-Nizier se permit d'intervenii' dans la querelle par un opuscule intitulé: M. Veuillot et Giboyer, lettre au rédacteur du journal le Progrès par un lecteur de l'Univers. Il avait de nouveau l'audace de noter les violences et les inconséquences de l'honnête folliculaire et de le trouver plus irascible que charitable. Celui-ci avait-il, en effet, assez ap- prouvé les arrestations lors du coup d'Etat, béni les lois restric- tives, persiflé les prisonniers de Gayenne et de Lambessa, foudroyé les libres penseurs, les francs-maçons, les universitaires, les libé- raux, les radicaux, les bourgeois, les démagogues, tout cela en bloc? Avait-il ménagé les dénonciations à l'adresse du pouvoir