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                             LE DIVORCE                           233
Il excelle à poser le point de départ d'une intrigue, à la dérouler,
à la conduire, à tout remettre en question, au moyen d'un incident
nouveau, à se jouer au milieu des combinaisons les plus inatten-
tendues comme les plus ingénieuses, trop ingénieuses parfois. Les
Pattes de mouché sont peut-être le chef-d'œuvre en ce genre.
On admire son art et son esprit ; le plaisir qu'il- procure est réel,
mais passager et stérile. Je ne serais pas éloigné de croire que
c'est parce que M. Sardou, considéré comme auteur dramatique
bien entendu, est un sceptique. Il ne se propose pas, comme l'auteur
de Madame Caverlet, de condenser sur la scène certains faits
qui engagent, qui contraignent le* public à réfléchir sur certains
problèmes, il lui suffit de trouver une idée originale, piquante, où
son expérience du théâtre lui indique telle situation à développer,
tel effet à obtenir. Aussi dans son œuvre considérable trouverez-
 vous des pièces qu'on s'étonnerait presque de voir signées du même
nom : Séraphine, violente satire de ce qu'on appelle aujourd'hui
le cléricalisme, je ne me souviens plus si le mot était alors inventé,
Daniel Rochat, apologie, maladroite à mon sens, du mariage
religieux, mais qui lui valut le suffrage de ceux-là mêmes que
Séraphine mettait sur la seletle.
   On peut, ce me semble, dire que M. Sardou a traité la question
du divorce avec la même indépendance. Divorçons! qui vient
d'obtenir un succès si bruj'ant et si prolongé et dont le second
acte est un chef-d'œuvre, défend l'indissolubilité du mariage.
   Mme Desprunelles a eu près de son mari des déceptions au point
de vue de l'idéal et aussi à un autre point de vue plus matériel.
Gomme on se figure toujours en beau ce qu'on n'a pas, elle est
convaincue qu'il en irait autrement avec le jeune et bel Adhémar.
Une supercherie assez bien amenée lui fait croire que le divorce
est enfin voté par la Chambre. Le mari feint d'être dupe, consent
à la rupture d'une union insupportable et met tout de suile en
tête à tête Adhémar et l'heureuse Cyprienne. Il n'en faut pas da-
vantage pour montrer à celle-ci que l'homme de ses rêves est un
fat insipide, qu'elle n'aime et n'a jamais aimé que son mari. Certes,
il eût été très fâcheux de voir aller chacun de leur côté les époux
Desprunelles qui sont faits pour s'entendre, mais si la jeune femme
n'avait point été persuadée un instant de la possibilité du divorce,
       «Ans 1S82. — T. III                                  1(3