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228                  LA REVUE LYONNAISE              •
ou libre, on lui souffrira peut-être une intimité discrète avec un
homme de son milieu ; mais qu'elle ne songe pas à se créer près
de lui cette vie d'intérieur pour laquelle elle est faite, autrement
ils seraient tous les deux mis à l'index. Véritables parias, ils se
verront obligés de fuir, ils vivront dans un endroit perdu, peut-
être sous un nom d'emprunt, et trembleront sans cesse de voir
découvrir leur situation réelle. La femme, privée de son mari,
soit parce que celui-ci l'a abandonnée, soit par toute autre cause,
est fatalement livrée à la misère ou à la honte. Je n'ai pas en vue
ici celles qui sont dans une position de fortune indépendante et
qui n'ont à redouter que la douleur morale, que la solitude et le
manque d'affection, ce qui est cependant bien digne de pitié, je
parle des femmes, beaucoup plus nombreuses, hélas! qui ne sau-
raient pourvoir à leur existence sans le secours et la protection
d'un homme. Ces dernières, qu'on en soit bien convaincu, se re-
crutent peut-être moins dans les classes laborieuses que dans la
petite bourgeoisie. Chez le peuple, en effet, la femme a été dès
l'enfance, rompue à une vie simple et dure. Elle a contracté
l'habitude du travail, elle n'a aucun besoin de luxe et de re -
cherche ; si elle est courageuse et forte elle pourra, manquant de
son protecteur légal, se suffire à elle-même. Au prix de quelles
 fatigues, de quelles privations, de quelle résistance jamais dés-
 armée aux offres du vice, ceux-là seuls peuvent s'en faire une
 idée qui ont pris la peine de réfléchir au salaire dérisoire des
 femmes et aux embûches qui leur sont tendues pour peu qu'elles
 soient jeunes et jolies. Ce qui est bonheur et orgueil pour les unes
 devient pour les autres sujet de crainte et source d'affronts. Mais
 toutes n'ont pas la chahc; do trouver du travail, toutes n'ont pas
 l'énergie de l'entreprendre, la force ou le courage de l'exécuter.
 Ce qui arrive alors est facile à prévoir. La femme accepte
 d'un autre homme ce que son mari n'a pas su lui procurer. Est-ce
 sa faute, à elle? Veut-on qu'elle meure? Elle ne.se sent aucun
 goût pour le martyre ou le suicide. Si elle avait pu reconquérir
 sa liberté, elle aurait mis tous ses efforts à se faire une vie honnête,
 mais la loi a déclaré éternel le lien qui la rive à celui qui l'a
 plantée là après avoir mangé sa dot ou qui est aux galères à perpé-
  tuité pour vol ou pour meurtre. Voilà donc un faux ménage de