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206 LA REVUE LYONNAISE trouvaient ramenés l'un à l'autre le bien naturel et le bien moral. La vie, la moralité, se trouveraient ainsi embrassées dans une synthèse hardie. » On aurait du plaisir à le croire, à se dire qu'enfin l'accord entre les systèmes est fait. La doctrine qui s'offre ainsi à les concilier est belle et touchante : elle a déjà merveilleusement inspiré jadis le plus poète des métaphysiciens, Èmpédocle. Mais, hélas! on a beau proposer aux écoles un traité de paix ; il ne paraît guère qu'elles s'empressent de le signer. Il n'y a rien de changé en philosophie : il n'y a qu'un système de plus. Il pense, à vrai dire, ce système, accorder tous les autres en son sein ; mais il est seul à l'affirmer, et l'on ne paraît pas près de l'en croire. Assurément, s'il y a une vérité idéale, elle est telle, qu'elle mettrait toutes les opinions d'accord : -qui le nie?-Elle ferait bien plus, et ce n'est pas seule- ment les vivants qu'elle concilierait entre eux, elle accorderait ensemble jusqu'aux doctrines des anciens et ferait en quelque façon régner la paix parmi ceux qui sont morts avant de s'entendre. J'ose dire davantage : la philosophie idéale ne mépriserait pas les lumières que peuvent tenir en réserve les siècles à venir ; jamais elle ne déclarerait l'enquête close, elle laisserait le scrutin ouvert pour attendre l'avis des générations futures. La certitude n'est pas l'œuvre du temps, mais de l'éternité. Mais alors, n'espérons pas la posséder ; voyons-la à sa vraie dis- tance, qui est, comme celle de tout idéal, infinie. En voulant l'imiter dès à présent dans son œuvre de conciliation totale, nous risquerions beaucoup : tantôt, ayant accordé dans notre esprit certains systèmes — ou plutôt certaines images de ces systèmes, car il est malaisé, comme le dit M. Guyau, qu'une seule tête con- çoive fidèlement les pensées de plusieurs, — nous croirons avoir concilié les systèmes réels, tels qu'ils vivent dans l'esprit de philo- sophes divers. Prétention enfantine et d'ailleurs vieille comme la philosophie, car quelle est la doctrine qui n'a pas cru expliquer et ramener à soi toutes les autres ? Tantôt, sentant vaguement que notre philosophie ne saurait être la philosophie idéale, celle où nous voudrions nous reposer, et n'ayant toutefois rien de meilleur qu'elle pour la remplacer, nous tenterons cette chose impossible, de nous dépasser nous-même, et nous ne nous élèverons que