page suivante »
202 LA REVUE LYONNAISE la nature humaine, parmi les sentiments les plus infimes, chercher celui qui ressemblait le plus au fait en question. Réduire ensuite celui-ci à celui-là , avec l'aide de l'association, qui jette un voile sur toute origine, ce n'était qu'un jeu: il y était passé maître. Darwin fait mieux : il descend jusqu'à la bête, et retrouve chez elle les éléments essentiels de toute vie morale. Dès lors, notre moralité à nous n'est qu'un prolongement, un perfectionnement dernier des instincts individuels, sexuels, sociaux ou autres, par lesquels s'entretiennent et se perpétuent les espèces animales. Pour nous, comme pour la première race vivante venue, la loi morale n'a qu'une formule, partout identique, elle est « le moyen d'élever le plus d'individus possible en pleine santé ». Mais il fallait qu'enfin le système de M. Spencer « vînt achever et couronner tous les autres systèmes conçus par la pensée anglaise ». L'univers entier, ici, n'est plus qu'une machine, où tous les res- sorts obéissent au principe de la persistance de la force; or, de ceprincipe se déduit ce théorème de mécanique, qui est en même temps une loi de la nature : tout groupe limité de forces tend à s'intégrer, c'est-à -dire à se constituer en un système où toutes les parties sont unies par une dépendance mutuelle. Cette loi régit l'humanité comme elle régit les mondes : « Le changement qu'on peut observer dans les affaires humaines s'opère dans le sens d'un plus grand développement de l'individualité ; on peut dire que c'est une tendance à Vindividualion. » D'ailleurs l'humanité suit le même mouvement : elle s'intègre aussi, et ses éléments les indivi- dus s'unissant plus étroitement, chacun d'eux devient un défen- seur plus énergique et de sa propre individualité et de. l'indivi- dualité d'autrui : « Il unit dans son cœur à un amour actif pour la liberté des sentiments actifs de sympathie pour ses semblables. » Or, qu'est-ce que la loi morale ? C'est « la loi de la liberté dans l'égalité; la loi sous laquelle l'individuationdevient parfaite. » Dès lors, la moralité ne peut manquer de devenir la nature même de l'homme : « Le progrès n'est point un accident, mais une nécessité ; la civilisation est une phase de la nature... Il est sûr que l'homme doit devenir parfait. » Tel est le dernier mot de cette [morale si exclusive d'abord et qui voulait que le moi fût à lui-même son propre dieu : maintenant c'est le bien de l'humanité, c'est le bien de