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196                 LA REVUE LYONNAISE

    Ainsi la durée de fait des systèmes, l'affinité naturelle de
l'esprit humain pour la vérité, tels semblent être les principes
de cette façon nouvelle d'entendre l'histoire de la philosophie :
système excessivement favorableà la liberté philosophique. Peut-être
un autre philosophe, M. Renouvier, l'a-t-il mieux soustraite à la dis-
cussion, en exigeant de chacun pour l'opinion d'autrui le respect
que chacun réclame d'autrui pour sa propre opinion; cette égalité
des opinions crée comme une république des philosophes, analogue
à celle que forment, dans chaque science, les hommes compétents,
 et dont les académies tâchent d'être la forme visible. Dans cette
 république, toute pensée a droit de se faire jour, nulle ne peut
 s'imposer qu'elle n'ait été librement acceptée de tous : alors seule-
ment elle passe au rang de vérité, elle fait loi pour les esprits.
 Mais peut-être M. Fouillée ni M. Guyau ne l'entendent pas tout à
 fait ainsi : la nuance mérite d'être notée. Ce ne sera pas trop d'une
 étude sur la Morale anglaise contemporaine pour la bien
 saisir.
    Critiquer une doctrine, selon cette méthode, ce n'est plus la ré-
futer, c'est-à-dire, en fin de compte, la confronter avec quelque
doctrine opposée, pour lui donner tort sur tous les points, sauf sur
les points, s'il y en a, où elle ne dit rien qui ne se trouve déjà, im-
plicitement, au moins, dans la nôtre ; si bien que celle-ci demeure,
après comme avant, immuable dans son fonds, propriétaire exclu-
sive de toute vérité connue ou à connaître. M. Guyau est plus
 fidèle observateur du « doute provisoire » ; il ne commence pas
l'étude d'un système sans être prêt à « abandonner les idées qui lui
 sont chères... prêta admettre la vérité nouvelle, prêta recommencer
 tout son travail d'autrefois, à rompre avec son passé, plein de cette
tranquillité que la nature apporte dans ses métamorphoses, et qui
 ne compte pour rien les souffrances du moi, ses préjugés évanouis,
 ses espérances brisées ». D'autre part, s'il consent ainsi à « faire
 entrer en lui toute la pensée d'autrui », ce n'est pas pour s'en faire
 l'esclave : ni adversaire, ni disciple, voilà sa devise. Tout système
 veut être dépassé, n'étant qu'un degré dont il faut se servir pour
 monter plus haut, jusqu'à la doctrine suprême qui ne serait plus
 un système, et qui les comprendrait tous.
    En morale, dit M. Guyau, il y a deux méthodes possibles : la