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186                  LA R E V U E LYONNAISE
 un rictus hideux : Dahut venait de paraître au fond de la salle et à
 ses doigtspendaientdeux grandes clefs d'or. Elle s'avança souriante,
 n'osant lever les. yeux, mais paraissant réclamer la récompense pro-
 mise; soudainelle sentit des lèvres de feu s'appuyer sur sa bouche
 éperdue sous ce baiser de flamme, elle lâcha les clefs ; un effrayant
 éclat de rire retentit dans la salle : l'étranger avait disparu.
    Au dehors, la tempête redoublait de violence et les flots
 d'équinoxe battaient avec rage les murailles qui protégeaient Is.
 Tout à coup, dominant la tourmente, une immense clameur s'éleva ;
 par les écluses ouvertes, l'Océan se précipitait sur la ville en-
 dormie. Alors le fracas devint épouvantable, les maisons, les
 palais s'écroulaient avec un bruit de tonnerre ; çà et là retentis-
 saient des appels, des cris de désespoir et d'angoisse qu'étouffait le
 grondement des eaux balayant les cadavres ; déracinés, les arbres
venaient battre, semblables à des béliers, les murs qui résistaient
encore, contre lesquels venaient se briser les embarcations sur-
 chargées, entraînées par la violence du flot dans une course folle :
 l'œuvre de destruction annoncée par l'envoyé de Dieu s'accom-
plissait. Eveillé dès le début du sinistre, le vieux Grallon avait
donné le signal du départ; déjà un silence de mort régnait sur la
 cité; le palais, bâti sur un mamelon, avait seul échappé à la mer
en courroux, mais les lames venaient se briser contre les mu-
railles, il fallait fuir et gagner la falaise avant l'Océan. Un cheval
fut harnaché à la hâté, retrouvant la vigueur de ses jeunes années,
Grallon s'élança sur son coursier, prit Dahut, hébétée, en croupe
et partit au galop. Le flot destructeur montait toujours, venant
lécher les sabots du cheval qui fuyait affolé. Soudain la course
s'arrêta brusquement. Un homme, Gwénolé, s'était élancé au
devant du roi ; sa voix impérieuse, dure, domina le fracas des
éléments bouleversés : « Grallon, tu as repoussé là parole de
paix : confiant dans ta puissance, dans la force de tes murailles,
dans tes richesses, tu as méprisé la doctrine du Christ, tu as ri
de ce Roi des rois né dans une étable, tu as méconnu son pouvoir
et ses lois. Il s'est vengé. Regarde, de ton palais, de tes navires,
de tes vassaux, il ne reste plus rien : la mer leur a servi de lin-
ceul ; mais le châtiment doit être plus terrible encore ! Que ta
fille, blasphématrise et sacrilège soit précipitée dans les flots ;