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                  IS, LA VILLK DU.ROI GRALLON                         183
dominant la tempête, résonna soudain dans la chapelle : « Gwé-
 nolé, Gwénolé, pourquoi passer tes heures dans la prière oisive,
alors qu'à côté de ton abbaye Satan a établi son royaume? Prends
ton bâton, chausse tes sandales et va prêcher la parole vraie aux
corrompus d'Is. Si,dans trois jours, mes autels ne sont pas rétablis,
je les frapperai comme j'ai frappé les habitants de Sodome et de
Gomorrhe. Pars sans crainte, ma droite te protégera. » La tour-
mente s'était apaisée et un silence absolu régnait dans le cloître.
 Muet d'épouvante, Gwénolé se signa, toucha la dalle de son front
et le lendemain, dès l'aube, il parcourait les rues de la ville dis,
enseignant la doctrine du Christ. Seuls les moqueries et les blas-
 phèmes répondaient à sa voix. Mais l'abbé, soutenu par l'esprit
 divin, continuait à prêcher, rappelant la destruction de Babylone,
 montrant la main du Dieu de paix armée parfois du glaive, sachant
 s'abaisser devant le repentir, mais frappant sans pitié devant
l'endurcissement. On se groupait autour de lui, on riait et on
 passait. Le troisième jour, le soleil se leva sanglant ; éperdu,
 voyant dans cette couleur rouge la marque du courroux céleste,
 Gwénolé demanda à être introduit auprès de Dahut. La porte lui
 fut brutalement refusée. Alors voyant l'inutilité de ses efforts,
 l'abbé franchit les remparts en pleurant ; abandonnant la cité en-
.durcie à la colère divine, il gravit la falaise qui dominait Is, et
 là, inclinant son front vers le sol, il se mit a prier.
    Déjà la huitième heure avait sonné et le soleil s'était caché der-
 rière d'épais nuages,lorsqu'un étranger monté sur un cheval noir,
 aux crins épars, entra au galop dans la ville. Au loin, le vent soufflait
 en tempête ; l'Océan venait battre de lames immenses les murailles
 occidentales ; le bruit sourd des vagues, mêlé au mugissement du
 vent à travers les rochers de la côte, et le fracas de tous les élé-
 ments déchaînés dans la tourmente ne semblaient pas effrayer ni
 détourner de sa route le sombre cavalier. Il s'arrêta devant le
 palais et, remettant son cheval à un serviteur, s'informa s'il lui
 serait permis de chanter devant la princesse. Sur un signe d'ac-
 quiescement, il franchit le seuil et fut introduit dans la salle du
  souper où Dahut, dont les longs cheveux blonds formaient la
  seule parure, offrait à de nombreux convives l'ivresse des sens
  et celle du vin. L'hypocras débordait des coupes, une chaleur