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172 LA REVUE LYONNAISE Les autres volumes dus à la plume de Barbier portent tous en sous- titre : « par l'auteur des ïambes. » Ils réclament, au nom de leur aîné," une sorte d'indulgence. Cette réputation leur sert de passe- port; cela est incontestable, mais elle n'a pas réussi à leur faire trouver le chemin de la popularité. Cinq ou six volumes se sont succédé, avec ce cachet honnête qui résulte d'un culte sincère des lettres, mais avec cette faiblesse qui séparera toujours le ver- sificateur correct du vrai poète. Comment et pourquoi Auguste Barbier a-t-ileu son heure propice? M. Taine s'empresserait de l'attribuer à ce qu'il appelle l'influence des milieux. Il aurait peut- être raison, au moins cette fois, et si le sort l'eût désigné pour recevoir le successeur de Barbier, il n'eût certes pas manqué de faire des ïambes une pièce justificative en faveur de ses théories. Reportons-nous au lendemain de 1830. Une immense secousse vient de tout ébranler dans l'ordre politique, et un contre-coup terrible s'est aussi fait sentir dans l'ordre moral et jusque dans le domaine de la littérature. Il semble que tout soit permis quand tout est contesté. Pendant que le gouvernement issu de la Révo- lution de juillet poursuit, au milieu de difficultés sans nombre, la tâche ingrate de rétablir un peu d'ordre dans la rue et dans le pays, et tente de concilier avec les exigences révolutionnaires les conditions indispensables de l'administration, une presse sans frein donne, chaque jour l'exemple du dévergondage de la pensée et du cynisme du langage; les théories les plus étranges, les pro- positions les plus incohérentes, les calomnies les plus grossières se produisent en toute liberté. Les convoitises de l'intérêt per- sonnel, les ambitions surexcitées des libéraux de la veille et le zèle ridicule de ceux du lendemain ajoutent encore au tableau. Aussi l'effroi ou le dégoût envahissent tour à tour les âmes honnêtes. Mais ceux que révoltent de tels spectacles n'ont-ils pas été les auteurs ou les complices de ce mouvement qui les épouvante ? Les libéraux de la Restauration ont rêvé de 1688. Il ont voulu refaire au profit de la bourgeoisie la révolution aristocratique et protes- tante qui précipita, en 1688, les Stuarts du trône d'Angleterre. Ce qui se passe sous leurs yeux rappelle malheureusement bien plus les préliminaires de 1793 que les suites de 1688. Mais qu'importe? Les terribles agitations du passé leur apparaissent dans la pleine