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AUGUSTE BARBIER Je ne suis point un physicien. Il me semble pourtant, si jerappelle les souvenirs déjà trop lointains des examens de ma jeunesse, que, pour que l'écho se produise, il faut que l'émission de la voix ait lieu devant un obstacle qui réfléchit le son à une distance que la science calcule et hors de laquelle le phénomène devient impos- sible. Du monde physique passons au monde moral. Ce qui nous plaît dans l'écho, c'est qu'il nous renvoie ou les sons de notre propre organe, ou la voix d'une personne aimée; qu'il nous fasse revivre, en un mot, ce que nous aimons en nous-mêmes ou en autrui. Hors de là , il n'est qu'un bruit fatigant auquel nous mettons vite fin ou par notre éloignement ou par notre silence. Arrivons enfin au mondelitteraire.il y a, dans l'histoire detoutes les littératures, quelques mortels, bien doués évidemment, mais encore mieux servis, qui se sont trouvés, à un certain moment, à la distance voulue devant l'obstacle providentiellement dressé. Là ils ont émis un chant, parfois même un simple cri, dans lequel tous leurs compagnons de route ont reconnu l'expression de leurs senti- ments ou de leurs pensées. L'écho, serviteur docile, l'a répercuté, l'a propagé. La foule s'est arrêtée stupéfaite et Fa répété elle-même avec plaisir, avec sympathie, avec émotion, pendant quelques instants, et l'écho et la voix delà foule s'entremêlent et se multi- plient réciproquement au centuple. L'heureuse inspiration d'un instant prend le caractère de la voix de tout un peuple, traduite MARS 1 8 8 2 . — T . III 12