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   146                   LA REVUE LYONNAISE
   l'hérédité et des milieux, et déclarer que cette influence agit né-
   cessairement et fatalement pour déterminer la conduite des indi-
   vidus. M. Zola n'est pas le premier à explorer ce terrain; il y a
   longtemps que la sagesse des nations a rendues banales ces deux
   vérités : « Tel père, tel fils. » « Dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui
   tu es. » Il y a longtemps que la littérature, même idéaliste, vit sur
   ce fonds commun ; mais y a-t-il des raisons suffisantes pour con-
   clure avec une certitude mathématique du caractère d'un individu
     celui de ses descendants, et de la nature d'un milieu aux qualités
   de celui qui y vit? Tout homme de bon sens, tout observateur
   scrupuleux qui ne se laisse pas entraîner par l'esprit de système
   répondra non.
      Et puis, il me semble que M. Zola se lave un peu trop facilement
   du reproche de fatalisme fait à son système. Il croit avoir tout dit
  quand il s'écrie : « Du moment où nous pouvons agir sur le déter-
   minisme des phénomènes, en modifiant les milieux, par exemple,
   nous ne sommes pas des fatalistes. Mais le raisonnement ne va pas
   tout seul; il reste encore une chose à démontrer, c'est que les
   principes admis par vous une fois prouvés, on peut agir sur le
   déterminisme des phénomènes. »
      Car enfin, vous êtes un homme comme les autres, vous n'échappez
  pas par quelque loi providentielle aux influences qui fontraouvoir vos
  personnages (j'allais dire vos mécaniques), vous subissez vous-même
  l'action inévitable de l'hérédité et des milieux ; dès lors, de quel droit
  venez-vous nous dire que vous gardez la liberté d'agir sur le déter-
  minisme des phénomènes? Pour monter et démonter à son gré un
  mécanisme, encore faut-il n'être pas soi-même une pure mécanique.
      Et si vous n'êtes pas autre chose, que devient la haute moralité
  de vos œuvres? que deviennent ces moyens de traiter et de réduire
  les passions, ou de les rendre les plus inoffensives possible ?
      Ce n'est peut-être pas là le fatalisme dans le sens scientifique
  du mot, mais c'est certainement la transformation de l'homme
  en machine obéissant aveuglément aux causes externes, et par
  conséquent irresponsable.
     Je m'arrête pour ne pas me lancer dans une trop longue disser-
  tation philosophique. Et puis M. Zola va sans doute trouver que mon
, raisonnement est trop scolastique pour aboutir à quelque chose.