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                     LE ROMAN N A T U R A L I S T E                    147
    Le déterminisme des phénomènes moraux n'est donc, en fin de
 compte, qu'une hypothèse, qui, une fois admise, nous conduit,
 quoi qu'on puisse dire, tout droit au fatalisme ou à quelque doctrine
 analogue.
    Le principe examiné, passons à la méthode.
    Elle consiste à observer d'abord, puis à expérimenter en faisant
 mouvoir les personnages dans une histoire particulière, pour y
 iriontrer que la succession des faits y sera telle que l'exige le
 déterminisme des phénomènes mis à l'étude.
    Ici, je me sens plus à l'aise pour critiquer; il ne s'agit pas, en effet,
 d'une de ces questions difficiles qui demandent un.long examen.
 Tout homme de bon sens, qui lira attentivement l'exposé que j'ai
 rapporté plus haut pourra se convaincre que la méthode expéri-
 mentale appliquée au roman est une pure fantasmagorie.
    Que fait, en effet,l'expérimentateur ? Ici je vais me servir, comme
 M. Zola, des expressions mêmes de Claude Bernard dans l'intro-
 duction à l'étude de la médecine expérimentale.
    «L'expérimentateur, dit l'illustre savant, est celui qui, en vertu
 d'une interprétation plus ou moins probable, mais anticipée, des
phénomènes observés, institue l'expérience, de manière que, dans
l'ordre logique des prévisions, elle fournisse un résultat qui serve
 de contrôle à l'hypothèse ou à l'idée préconçue... Dès le moment
 où le résultat de l'expérience se manifeste, l'expérimentateur se
trouve en face d'une véritable observation qu'il a provoquée, et
qu'il faut constater, comme toute observation, sans idée préconçue. »'
    Peut-on sérieusement assimiler ce rôle si bien défini de l'expé- •
rimentateur à celui que M. Zola fait jouer au romancier?
    Quand celui-ci fait manœuvrer ses personnages dans une histoire
particulière pour y montrer que la succession des faits y sera telle
que l'exige le déterminisme des phénomènes mis à l'étude, peut-oh
dire qu'il fait une expérience ?
    N'est-il pas libre de disposer dans son histoire les faits comme
il lui plaira, et quelque chose vient-il me démontrer que si des
personnages réels étaient mis à la place de ses personnages imagi-
naires la succession des phénomènes serait la même?
    Lorsqu'il s'agit réellement d'une expérience, il faut se défier à
juste titre des idées préconçues de l'expérimentateur qui, en obser-