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         LE SALON LYONNAIS


   Je voudrais de grand cœur pouvoir écrire que le « Salon »
lyonnais de cette année est digne des expositions précédentes, et il
en coûte à mon amour-propre de constater la médiocrité affligeante
des œuvres exposées. Mais la critique a ses nécessités que je subis.
Peu d'artistes pourraient sérieusement se plaindre du préjudice que
leur cause un éclairage défectueux. Une consolation nous reste ,
c'est dépenser que, comme autrefois Homère, nos peintres ont som-
meillé et qu'ils prendront leur revanche à leur réveil.
 , Cette faiblesse générale, qui n'est pas, tant s'en faut, le privilège
des exposants lyonnais et qui peut-être s'accentue dans les œuvres
des peintres étrangers, n'a-t-elle pas ses causes fatales dont tout
esprit sérieux doit se préoccuper? Et pour découvrir ces causes, ne
convient il pas d'examiner les tendances auxquelles se plie de plus
en plus l'esthétique contemporaine? Peu à peu les tableaux d'his-
toire disparaissent de nos expositions; la figure n'est plus qu'un
accessoire traité faiblement dans des études de genre; les paysa-
gistes ne demandent à la nature que l'impression produite par la
couleur; le souffle religieux n'inspire plus qu'un petit nombre d'a-
dorateurs. Seule la peinture de genre se maintient à peu près. Seule
la peinture de nature morte fait chaque jour des progrès aussi déci-
sifs qu'inquiétants. Comme dans une comédie célèbre, le chef-
d'œuvre de l'avenir nous apparaît sous la forme d'un oignon placé
à côte d'un couteau de cuisine : Cela n'était rien, et cela tirait
les larmes des yeux.
     FÉVRIER 1882. — T. 111.                      '            6