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82 LA REVUE LYONNAISE Tels sont les phénomènes qu'une observation attentive pourrait reconnaître dans notre exposition. On peut les résumer en une phrase : la victoire du réalisme dans l'ordre des faits et sa chute dans l'ordre des idées. Je ne pense pas qu'un système ait jamais reçu par ses conséquences mêmes et par ses résultats un démenti plus éclatant. Maîtresse absolue et tyrannique de toute une géné- ration de peintres non sans valeur ni talent, reine du public, dédai- gneuse de la critique indépendante, l'école réaliste, dans son triomphe, a trouvé sa condamnation et n'a démontré que son im- puissance. Son développement rapide, son épanouissement éphé- mère n'ont eu qu'un résultat, à la fois violent et salutaire ; je veux dire la mort de l'école romantique et de cette peinture de con- vention, comme la littérature qui l'inspirait. Eclairés par ces leçons, nos petits-neveux comprendront peut-être que le culte de la nature et le culte de l'idée sont inséparables, et qu'à diviser ces deux éléments nécessaires du beau dans les arts on s'expose au sort de certains'sectaires des temps passés. Les uns niaient le corps, les autres oubliaient l'âme; mais tous arrivaient également au monstrueux par le chemin du ridicule. En dépit des théories qui rendent stériles les talents les, plus incontestables et les efforts les plus généreux, quelques toiles de notre « Salon » méritent une attention sérieuse. C'ett à cette revue trop vite achevée, que je convie mes lecteurs, en les avertissant que mon silence à l'endroit de certains noms connus ne doit s'ex- pliquer, suivant le mot du professeur Bellac, dans le Monde où l'on s'ennuie, que comme le langage de l'oubli. Quand je dis que la peinture de natures mortes est maîtresse de notre « Salon », je n'entends pas seulement parler de ce genre en lui-même ni des tableaux qui, rigoureusement, devraient seuls rentrer dans cette catégorie. Je veux dire que la l'eprésentation exacte et minutieuse des objets inanimés absorbe les soins et le talent des meilleurs peintres. Prenons, par exemple, M. de Bou- cherville ; c'est un coloriste de valeur et d'expérience. Son tableau Chez les pauvres contient d'excellentes parties. Les mieux rendues sont assurément les accessoires de cette scène un peu froide, où l'impression produite résulte moins de l'opposition des figures traitées avec une certaine mollesse que de l'opposition des vêtements