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         A PROPOS D'UNE .TRADUCTION D'HORACE -                      17
encore, qui rêvez pour vos années de loisirs et de retraite de-le
traduire à votre tour en vers, d'en faire l'inséparable ami. de la
seconde moitié de votre vie, lisez, relisez cette page brillante qui
est aussi une noble action. Le critique ne laisse plus rien à faire
au poète qui voudrait parler d'Horace après lui.
    Contraint par l'amitié à dire quelques mots sur cet inépuisable
sujet, nous n'avons qu'une ressource pour ne pas répéter fort mal
ce qui a été si poétiquement dit, qu'un moyen d'être à peu près
neuf et d'apporter aussi notre pierre, un lourd moellon, au temple
horatien : c'est de rester franchement pédant, et de ressusciter en
 nous, pour une heure, le professeur tué sous le poète par un
 Mécène de 1861.
    Donc le portrait d'Horace est achevé, l'érudition profonde et la
fine critique l'ont étudié à fond dans ce qu'il a de plus intime et de
plus personnel. De 1470 à 1865, de Heinsius et Schrevelius à
Walckenaer et à Janin, les lettrés modernes ont parachevé le ta-
 bleau . Cherchons à quelle place il faut le suspendre dans la gale-
 rie des maîtres. Ce que vaut Horace, nous le savons tous. Que nul
 ne l'a surpassé clans le genre qu'il créa, c'est l'avis unanime. Nous
 allons, cette fois, regarder autour de lui plutôt que chez lui. Quelle
 est sa date? quelle est sa place dans l'histoire générale de la poésie?
 Nous ne parlons pas de son rang, il est fixé à tout jamais. C'est le
 plus élevé peut-être, certainement c'est le plus en vue.
     On nous a reproché, Dieu sait avec quel dédain ! d'avoir écrit,
 en parlant d'Horace : « Le poète s'en va, l'homme de lettres com-
 mence. » Il prétend qu'Horace n'est pas un poète! N'avait-il pas
 dit la même chose du divin Homère ! — Telles sont les énormités
 qu'on fait sortir d'une simple distinction de familles et d'époques
 entre les poètes. Homère marque la fin de la poésie religieuse ; il
 représente la poésie héroïque,patricienne, royale, celle des classes
 guerrières succédant aux castes sacerdotales. Homère n'est plus un
 législateur et un pontife, comme Zoroastre, comme Manou, comme
 les poètes initiateurs représentés chez les Grecs sous les noms de
  Linus et d'Orphée. Horace n'est plus, à la façon des trouvères ho-
  mériques, un improvisateur guerrier et populaire, un poète poli-
  tique. Il n'est pas même, comme Pindare et les tragiques grecs, un
  organe presque officiel de la pensée publique, dont l'œuvre a sa
      JANVIER 1882. — T. I I I .                               2