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LES CHAMBRES DE MERVEILLES 439 qui nous a donné les châteaux de Fontainebleau, de Chambord et tant d'autres non moins merveilleux. En étudiant cette grande époque, on est même tout surpris de l'intensité du foyer civilisateur qui fit éruption en ce moment. Mais le feu avait couvé sous la cendre. Plus de mille ans s'étaient écoulés, depuis le jour où la société antique avait sombré dans le douloureux naufrage des invasions barbares, et c'est avec un vé- ritable enthousiasme que la science renouait la chaîne brisée des temps. Et cependant ces temps étaient bien troublés depuis le milieu du seizième siècle La guerre civile déchirait la France entière. Le protestantisme, puis l'ambition des princes d|e Lorraine, qui créa la Ligue, avaient suscité les haines les plus vivaces et les plus profondes, et les armées calvinistes et royales même étaient si lasses de s'entretuer que le baron de Bauffremont, lieutenant de Mayenne, écrivait à ce dernier, après sa dure captivité au château de Pierre Scise, à Lyon, « que les troupes vouldroient bien qu'un bon ange du ciel leur apportât la paix. » On se demande donc avec raison comment l'art,qui ne fleurit que dans les temps calmes et heureux, et la science qui ne cherche que le silence, ont pu enfanter alors tant de merveilles. Mais la société de cette époque, mâle et énergique, avait une sève vigoureuse, une virilité et une vitalité que ne pouvaient ni amoindrir, ni décourager les événe- ments les plus douloureux et elle réagissait toujours contre eux avec le plus mâle courage. LÉOPOLD N I E P C E , Conseiller à la Cour d ' a p p e l . (A suivre.)