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310" LA REVUE L-YONNAISE C'est là une théorie qui peut donner lieu à plusieurs observations. M. Louis Blanc veut que la bourgeoisie représente l'individua- lisme. Pourquoi donc? Pourquoi les hommes de cette classe, qui touchent, d'un côté, à ceux qui tiennent la tête de la société, de l'autre, à ceux qui en forment l'arrière-garde, ne seraient-ils pas, précisément à cause de cette double affinité, tout disposés à s'appli- quer le motde Térence : « Je suis homme et rien d'humain ne m'est étranger? » Pourquoi seraient-ils moins humains que les marquis et les marquises de l'ancien régime, qui plaisantaient si agréablement sur ce que les paysans de la Bretagne ne se lassaient pas de se faire pendre, ou que les pâles vopous,.pour parler le langage de l'au- teur des ïambes, qui, au nom d'une fraternité homicide, feraient volontiers tomber toutes les tètes qui les dépassent ? -D'ailleurs celte classe prétendue est-elle bien une classe? Où commence-t-elle et oùfinit-elle? Parmi ceux qui la composent, n'y en a-t-il pas les trois quarts^ dont les ancêtres étaient, il y a cent ans, perdus dans les rangs populaires? Le bourgeois est un homme du peuple qui, à force de travail et d'économie, est arrivé à améliorer son sort et à vivre dans une aisance relative. Fallait-il donc que, pour vous plaire, il restât constamment dans sa classe, c'est-à -dire dans un état voisin de la misère et du dénûment? Alors, vous nous per- mettrez de vous le dire, vous avez là une singulière manière de l'aimer. Mais, en admettant que les attaques de M. Louis Blanc contre la bourgeoisie trouvent leur excuse dans le rôle, réellement peu magnanime, qu'elle joua sous le gouvernement de juillet, sa divi- sion des phases de l'histoire ne nous'paraît ni bien neuve ni bien satisfaisante. Chez lui, l'ère de l'individualisme semble, en effet, répondre à l'ère de la critique, telle que la comprenaient les saint- simoniens; car elle implique également l'extrême divergence des pensées et des sentiments, et a également pour dernier terme la dissolution dé la société. Quant à l'ère de l'autorité et à celle de la fraternité, elles peuvent toutes deux se ramènera l'ère organique; car elles supposent toutes deux une puissante organisation sociale et n'offrent entre elles qu'une différence, c'est que cette organisa- tion est déplorable dans l'une et admirable dans l'autre. M. Louis Blanc n'a pas de peine à trouver dansl'histoire moderne