Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
230                   LA REVUE LYONNAISE

nions préconçues, peut-être aussi M. Emile Augier, dans le talent
duquel la franchise et la hardiesse tiennent une si grande place,
ne sut pu ne daigna pas conquérir certains spectateurs, non les
meilleurs juges, mais les plus écoutés, en supprimant ou en atté-
nuant quelques-unes de ces scènes vécues et mouvementées où il
excelle ; il voulut, au contraire, les forcer à subir, dans toute son
horreur, le mot n'est pas trop fort, la situation où ses personnages
étaient fatalement jetés par une législation inique et imprévoyante.
Il n'est pas l'homme des compromis, il n'obéit pas au goût du jour,
il imposerait plutôt le sien. Ce n'est pas lui qui dirait : je suis leur
chef, il me faut les suivre. Quoi qu'il en soit, les femmes, sans le
suffrage desquelles on ne saurait réussir complètement, n'accep-
tèrent pas la nouvelle pièce, ce qui s'explique si on veut bien se
reporter à ce que je disais plus haut. Louer Madame Caverlet,
c'était admettre la nécessité, la légitimité du divorce, ce qui con-
stituait, ce qui constitue encore aujourd'hui, mais il est vrai avec
des circonstances atténuantes, un délit de lèse-bonne com-
pagnie.
    Le souci de leur repos, de leur dignité, l'amour et le respect de
leurs enfants devraient faire des femmes les partisans les plus
convaincus du divorce. Où en trouver la preuve mieux faite que
dans Madame Caverlet? Qu'on n'aille pas prétendre que la donnée
proposée par l'auteur est invraisemblable et qu'il s'est plu à
noircir le mari outre mesure ; en fût-il ainsi d'ailleurs, qu'il n'au-
rait fait qu'user de son droit, qu'obéir aux nécessités de l'optique
théâtrale, mais il n'en est rien. Les magistrats, les avocats, habitués
à voir se dérouler toutes les misères, toutes les hontes humaines,
pourraient dire que M. Emile Augier, loin de charger son tableau,
a usé avec modération des modèles effrayants ou odieux que la
réalité accumulait devant lui. Ils le connaissent, ce mari qui laisse
sa femme seule et sans ressources, à vingt-cinq ans, après avoir
dissipé la dot, et qui ne lui sert même pas la pension à laquelle il
est condamné, ils savent « qu'il s'affichait impudemment avec sa
maîtresse dans les lieux publics, que cette misérable, qui jouait la
jalousie, avait exigé de lui qu'il ne parût nulle part avec sa femme
et qu'il y avait consenti ». Il n'ignore pas que la drôlesse ayant eu
la fantaisie d'embrasser les enfants, ce père, au maintien des droits