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222 LA REVUE LYONNAISE sorte parmi les mânes, sont considérées dans l'Inde comme très importantes. Elles jouent un grand rôle dans le système des suc- cessions. Mener le deuil, mettre le feu au bûcher sont les actes d'héritier les plus probants. Celui-là hérite qui est apte à remplir ces cérémonies. Voici en quoi elles consistent à Pondichéry, d'après les renseignements que j'ai recueillis moi même auprès des habi- tants. La famille au sein de laquelle un décès vient d'avoir lieu se procure un vase de terre, des pièces de toile, du fil, des fleurs, de l'encens, du camphre, du nelly, c'est-à -dire du riz non décortiqué, du riz, des feuilles de manguier, des feuilles de bananier, des bananes, des cocos, du bétel, de la poudre de safran et du bois de sandal. Le Brahme, ou le prêtre particulier qu'on fait venir, invoque d'abord Poulléar, pour que ce dieu veuille bien écarter tous les .obstacles. On met ensuite du nelly sur une feuille de même espèce, et sur celle- ci du riz qu'on divise en autant de portions qu'il y a de planètes chez les Indiens, c'est-à -dire neuf. Sur ce riz on installe le vase de terre enveloppé de pièces de toile et de fils qui s'en- roulent de gauche à droite ; on le remplit d'eau, on le recouvre avec des feuilles de manguier, on en bouche l'orifice avec un coco frotté de safran et on l'orne de fleurs. C'est dans ce vase que l'offi- ciant évoque par des incantations secrètes Vichnou ou Siva, suivant la secte du défunt. Cette divinité reçoit des offrandes de bananes, de bétel, de cocos et d'encens. Le corps du défunt, préalablement lavé, est placé dans la cour sur une flatte de cocotier. L'officiant évoquant le feu du troisième œil de Siva ou le feu d'Agni, suivant la secte, allume avec du camphre un foyer qu'on entretient avec du bois de manguier et du beurre, et prononce des mantrams qui ont la vertu d'effacer les péchés du décédé. On apporte un mortier de bois, avec un pilon lavé e t entouré de linges ; tous les parents broient du sa- fran. On asperge le cadavre avec l'eau contenue dans le vase ; on fait aux Brahmes des. présents qui portent le nom d' Yatra danom (présents du dernier voyage) ; on enlève le cadavre, et on l'incinère en se servant du feu qu'on adéjà allumé au logis et qu'on transporte. Dès que le bûcher flambe, tout le monde se retire ; des domes- tiques restent préposés à la garde des cendres. A ce moment, il se passe parfois une scène étrange. La chair grille, se tord, les membres distendus s'agitent; on croirait assister à un semblant de