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198     •            LA REVUE LYONNAISE
ciants », car un homme désintéressé avec réflexion, c'est ce qui,
heureusement, est rare. « Montrez-moi l'homme qui se prive d'une
plus grande somme de bien qu'il n'en procure à autrui, et je vous
montrerai un sot et un prodigue. » D'autre3, fascinés parle plaisir
présent, oublient les suites et se jettent sur l'appât ; ils reconnaî-
tront leur folie plus tard. Ce sont là les hommes vicieux. Certes,
« le plus abominable plaisir que le plus vil des malfaiteurs ait
jamais retiré de son crime ne devrait pas être réprouvé, s'il demeu-
rait seul, mais le fait est qu'il ne demeure jamais seul. Nécessai-
rement il est suivi d'une telle quantité de peine, que le plaisir en
comparaison est comme rien. » Le moraliste et le législateur sont
les deux médecins chargés, l'un de prévenir par une hygiène
convenable, l'autre de guérir, quand elle a éclaté, cette fâcheuse
erreur. Le moraliste représente au coupable « l'avenir... Il le con-
jure de ne point se tromper dans ses calculs, il lui demande si,
 pour la jouissance goûtée aujourd'hui, il ne faudra point payer un
 intérêt usuraire ». Il lui enseigne non seulement la liaison, la
 mutuelle dépendance de l'avenir et du présent, mais la solidarité
 des individus entre eux. Car, de même que le bonheur d'aujour-
 d'hui a besoin, pour s'affermir et se compléter, du bonheur de de-
 main, le bonheur de chacun exige le bonheur de tous. « Plus on
 s'éclaire, plus on contracte un esprit de bienveillance générale,
 parce qu'on voit que les intérêts des hommes s'attirent par plus de
 points qu'ils ne se repoussent. » Ainsi le plus grand bonheur de
 chacun dépend du plus grand bonheur de tous. Dès lors, « comment
 un homme pourra-t-il être heureux, si ce n'est en obtenant
 l'affection des autres, si ce n'est en les convainquant qu'il leur
 donne la sienne en retour ? Et cette conviction, comment la leur
 communiquer, si ce n'est en leur portant une affection véritable? »
 C'est ainsi que la science de l'intérêt nous enseigne la prudence,
 le courage, la tempérance, toutes les vertus intérieures, au
 nom d'une sage comptabilité, et, d'autre part, la justice et la
 charité, toutes les vertus sociales, comme autant de placements
  sûrs et fructueux. Mais ces conseils peuvent ne pas suffire
  toujours. Quelque imprudent peut, à bonne intention et en croyant
 poursuivre son bonheur» porter atteinte au bonheur général. Or, par
 là même il se fait tort, Le législateur qui le châtie ne fait donc