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IS, LA VILLE DU ROI GRALLON Un soir du mois de juillet, nous avions décidé, tout enfumant un cigare sur le cours d'Ajot que, le jour suivant, dimanche, nous nous rendrions à Crozon et de là à Morgate pour visiter les grottes, curieuses, dit-on, que la mer a creusées dans les rochers qui avoisinent ce hameau. Nous nous trouvions le lendemain, dès six heures du matin, mon ami et moi, sur le pont du petit vapeur qui fait le service de Brest au Fret, où nous devions atterrir pour gagner Crozon et de là le but de notre promenade. La traversée de la rade fut insipide, du moins pour des gens du littoral ; la mer était absolument bleue, pas un souffle de vent ne venait l'irriser, et notre bateau filait lentement, tristement, comme un cheval au- quel on fait faire toujours la même route, laissant à tribord les grands bâtiments-école se détachant avec leurs tons noirs très tranchés sur le bleti du ciel, semblables à de gigantesques décou- pures en carton. Connaissant à fond le spectacle qui se déroulait sous nos yeux, nous eûmes tout le temps, Paul-Louis et moi, de nous féliciter à tour de rôle sur notre exactitude matinale, et nous étions encore à nous distribuer des éloges pompeux lorsque la cloche du bord nous avertit qu'il fallait débarquer. Nous sautâmes à terre, et, après nous être enquis de notre route auprès de l'inévi- table douanier de service, nous nous lancions gaiement dans un de ces beaux chemins, ombragés par des chênes noueux aux branches torturées par le vent de la mer qui offrent au voyageur, sous un véritable portique de feuillage, un épais champ de boue dans lequel le pied s'enfonce mollement. Sans y prêter plus d'at- tention qu'il ne fallait, nous gravîmes lestement la côte qui se dressait devant nous, et bientôt nous arrivions à Crozon où, pen-