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                          BIBLIOGRAPHIE.                        569
idées, leurs écrits, leurs actes ; il n'en fait pas des abstractions,
défaut devenu beaucoup trop commun. Il ne s'arrête pas à
ces types de convention qui sont restés frappés avec une
netteté monumentale dans la mémoire publique ; non, il
refait l'homme tel qu'il a été ; il nous montre un personnage
re'el, vivant, au lieu d'une médaille officielle et sans vie.
Prenez Alexandre VI. N'est-ce pas là une de ces figures his-
toriques stéréotypées par la tradition? M. Christophe con-
sacre près d'un demi-volume à un récit qui faitdescendre le
personnage non pas de son piédestal^ le mot serait peu juste,
mais du pilori auquel la tradition l'a cloué, et s'il ne le justi-
fie ni ne l'innocente, il le fait connaître et comprendre; il le
présente dans son entourage et !e met dans sa lumière. Il ne
cache pas les vices juslemenl flétris ; mais il écarte à bon droit
des calomnies sans preuve, et il fait connaîire le genre de
grandeur par lequel frappa son temps Roderic Borgia, qui fut
 un mauvais pape et un grand prince.
    L'histoire de l'Eglise est une de celles qui prêtent le plus à
 la biographie, car presque tous les hommes éminents qui lui
 appartiennent, papes, cardinaux, évoques, prélats, etc.. .eurent
 une existence singulièrement mêlée d'incidents. Si la vie des
 moines était généralement très-uniforme, celle des grands
 personnages de l'Eglise était au contraire d'une variété extrê-
 me. N'élaient-ils pas partout administrateurs, écrivains, con-
 seillers des princes, diplomates? Or, les biographies isolées
 prêtent le flanc à la critique de bien des manières. Non-
 seulement elles nuisent à la justesse du coup d'œil histo-
 rique, en donnant une importance factice à un homme et
 dans la vie de cet homme à tel ou tel acte, tel ou tel intérêt.
 Mais elles prennent encore trop souvent l'homme abstrait,
 c'est-à-dire l'homme tel qu'il n'a jamais existé. Il n'y a
 que les philosophes ou les saints dont on puisse faire
 de bonnes biographies isolées , précisément parce que
 leur sainteté ou leur mérite consiste à s'être détachés du
 monde. Pour les hommes qui ont agi et joué un rôle, les bio-
 graphies n'ont d'intérêt et de vérité qu'autant qu'elles sont
 encadrées dans le tableau de leur époque et dans un tableau
 détaillé. Nous sommes obligés de faire l'histoire avec quelques
 noms propres, cl nous dirions volontiers avec le poète an-
 cien : Humanum paucis vivil genus ; mais il ne faut pas que
 nous soyons dupes de ce qui est pour nous une nécessité
 de composition et presque d'intelligence. Cela produirait un
 singulier défaut d'optique. Les hommes qui ont le plus agi