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240 ÉLOGE DE RAYEZ. se'paration avait entretenues, et que l'esprit de parti devait nécessairement envenimer. Ce fut le malheur de cette époque et de bien d'autres dans les pages récentes de notre histoire, que ce mélange des criliques mesurées avec les attaques violentes qui poussent les partis a l'extrême, et posent sans cesse pour les rois et les peuples le terrible problême des révolutions. Les uns, dans leur fervent amour pour la royauté, sem- blaient se défier de la Charte, et d'autres, dans leur culto exclusif pour la Charte, semblaient en oublier l'auteur. On reprochait a la Cour ses sympathies pour l'Émigration ; aux libéraux leur enthousiasme pour l'Empire. Ce n'était chez le Roi qu'une gratitude naturelle pour les fidèles compagnons de l'exil; ce n'était pour beaucoup d'opposants qu'un ardent souvenir pour les dernières gloires de la France : mais de mutuels soupçons éloignaient et aigrissaient les esprits. Ainsi, on divisait les forces du pays par de périlleuses récri- minations au lieu de les concentrer généreusement pour le noble essai du gouvernement représentatif, et ses vrais amis, débordés de toutes parts, suffisaient à peine h le maintenir en équilibre au milieu de (ant d'agitations passionnées. Leur union complète et sincère eût pu conjurer l'orage, mais la diversité des origines, des alliances et des points de vue avait fatalement désuni les plus fidèles serviteurs de la monarchie. Royer-Collard fut contre de Serre, et Villèle contre Chateaubriand. Tous voulaient, sans arrière-pensée, le Roi et la Charte ; mais les uns étaient plus inquiets pour la monarchie, les autres plus jaloux de la liberté. Les antécédents de Ravez l'avaient placé parmi les premiers, et avaient fait en quelque sorte de lui le chef du Centre-droit. Toutefois, sa prévoyance comprenait le danger de ce funeste antagonis- me. Son caractère, à . la fois conciliant et ferme, lui don-