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S68 BIBLIOGRAPHIE. mes ; il distingue les traits saillants et caractéristiques d'une physionomie. Il arrive ainsi a plaire, à instruire, et à donner de la nouveauté, même aux choses connues. De tous les genres de découvertes historiques, celui-là me paraît de beaucoup celui qu'il faut préférer. Je me suis souvent demandé si de grands ouvrages écrits il y a deux ou trois cents ans, comme ceux de de Thou et de Davila, qui ont eu une célébrité méritée et l'ont gardée, bien qu'on ne les lise plus guère, n'auraient pas besoin d'être re- fondus pour les lecteurs d'aujourd'hui ; si une refonte, judi- cieusement conçue et habilement exécutée, ne leur rendrait pas un intérêt et une valeur en partie perdus; s'il ne fau- drait pas, en un mot, pour les grands ouvrages historiques tenter des restaurations analogues à celles des tableaux dont la couleur a changé, ou mieux encore, des édifices cons- truits en dehors de nos besoins actuels. Je n'y verrais qu'une difficulté, c'est qu'en voulant conserver un ouvrage, on arri- verait à peu près à en refaire un autre. Rien en effet de plus variable que la manière de concevoir et d'écrire l'histoire. On aura beau tracer des règles géné- rales, il y aura toujours une chose qui changera, ce sera l'application de ces règles. L'historien, écrivant pour ins- truire ses contemporains, est nécessairement oblige de tenir compte du genre et du degré d'instruction qu'ils demandent. Son premier devoir est de comprendre son temps et de lui parler une langue qu'il comprenne. C'est le mérite des histo- riens du dix-neuvième siècle de s'être pénétrés de ce principe, et c'est là ce qui les rend ordinairement supérieurs à leurs devanciers. La supériorité de méthode leur donne même la supériorité de mérite, qui en est une conséquence à peu près nécessaire. Aussi M. Christophe est-il fort au-dessus de Lenfant, de Fleury et des autres écrivains qui ont traité l'histoire ecclé- siastique du quinzième siècle ou exposé ses événements les plus considérables. Tous ces travaux, dont quelques-uns sont excellents, avaient besoin d'être repris en sous-œuvre, élagués, complétés, refondus. Ils sont devenus aujourd'hui, grâce à lui, les matériaux d'un édifice plus harmonique, plus large et plus vivant. M. Christophe n'a pas seulement le talent de bien pré- senter les choses, il aime encore particulièrement, et je l'en félicite, à étudier les hommes, à les suivre dans les différen- tes vicissitudes de leur vie, à analyser leurs caractères, leurs